Juristes jugent la compassion démago de sarko..

«Il n’y a pas de sens à juger celui qui ne comprend pas»

Sarkozy veut changer la loi et faire comparaître les criminels atteints de troubles psychiques. Polémique.

Par Tassel FABRICE

QUOTIDIEN : lundi 27 août 2007

 

Et si la compassion était désormais la colonne vertébrale de la politique pénale française ? C’est le sentiment de nombreux magistrats et avocats après la dernière suggestion faite vendredi par Nicolas Sarkozy : juger les auteurs de crime même s’ils sont déclarés pénalement irresponsables. A ce jour l’article 122-1 du code pénal stipule que «n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes». La justice rend alors un non-lieu, et est relayée par la psychiatrie.

«Cirque».  Le chef de l’Etat a fait cette annonce après avoir rencontré les familles des deux aides soignantes assassinées en 2004 à l’hôpital psychiatrique de Pau. La semaine dernière, un non-lieu «psychiatrique» a été requis à l’encontre de son auteur. Mais les familles des victimes ont expliqué au Président qu’elles souhaitaient un débat judiciaire. Ce scénario ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de la semaine dernière : rencontre avec le père d’Enis, l’enfant violé par Francis Evrard, et annonce de lois dans la foulée. Samedi, la garde des Sceaux Rachida Dati a donc confirmé qu’une «réflexion allait être immédiatement menée», même si elle semblait hésitante sur les modalités pratiques, ne précisant pas si ces «séances publiques» seraient de «vrais» procès ou si elles seraient informelles. Mais Rachida Dati l’a assuré : il s’agirait d’offrir aux victimes «la possibilité de faire leur deuil et de reconnaître leur préjudice». Ce constat fait bondir nombre de praticiens du droit pénal. «C’est de la victimologie, du Mireille Dumas de la justice, ironise Me Françoise Cotta, avocate rompue aux affaires pénales. Il n’y a simplement pas de sens à juger quelqu’un qui ne peut pas comprendre.» Christophe Regnard, le secrétaire national de l’Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire), s’agace également : «C’est du cirque, une dynamique de la réforme par l’émotion.» Ce magistrat estime «impossible de faire comparaître un irresponsable aux assises : il pourra dire tout et n’importe quoi, ça peut être dramatique pour les victimes». Cet ancien juge d’instruction rappelle aussi que les cas d’irresponsabilité pénale sont de moins en moins nombreux – moins de 1 % des dossiers -, car les psychiatres ont évolué. Souvent ils relèvent «une extrême altération de la responsabilité» du criminel, mais le considèrent responsable. «Et puis, relève aussi Christophe Regnard, dans ces dossiers les victimes ont déjà des moyens, la contre-expertise psychiatrique est de droit par exemple. La loi Perben oblige le juge à motiver son non-lieu dit psychiatrique. Et souvent le magistrat reçoit en personne les parties civiles pour leur expliquer sa décision.»

«Exhibition».  Cet accompagnement du deuil qui serait dévolu à la justice fait d’ailleurs réagir ces professionnels de l’institution judiciaire. «La justice n’est pas faite pour les victimes, tient à souligner Jean de Maillard, juge des libertés et de la détention à Orléans. C’est de juger des faits et d’en trouver le ou les auteurs.» Ce magistrat voit dans la méthode de Nicolas Sarkozy une approche «cathartique» de la justice : «L’objet pénal serait de conjurer le sort : à travers le procès d’un fou la société retrouverait une forme d’innocence perturbée. C’est de la magie. De la même façon il fait une utilisation magique de la science et de la médecine en faisant croire qu’elles peuvent garantir qu’un délinquant sexuel est soigné, mais qu’avant il doit rester enfermé. Mais c’est très fort, Nicolas Sarkozy nous renvoie collectivement à notre propre image : nous voulons que nos peurs soient conjurées, et il le promet.» Une idée aussi développée par Dominique Barella, l’ancien président de l’USM, aujourd’hui proche de Ségolène Royal : «Ce type d’annonce est le reflet d’une société extrêmement individualiste. Car penser avant tout à la victime, c’est prendre un registre individuel, c’est ne pas penser à la société en termes collectifs.»

Hier, le syndicat des psychiatres d’hôpitaux a estimé que la proposition de Nicolas Sarkozy bafoue «les valeurs fondamentales de notre société. Dans une exaltation émotionnelle et compassionnelle, une telle exhibition finalement morbide et traumatisante bafouerait et les droits de l’individu et les valeurs fondamentales de notre société et de notre justice».

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