FRANCE, terre d’asile……
Ils ont osé, ils ont expulsé le jeune Kurde Ibrahim
Vendredi 9 novembre matin, Ibrahim a été extrait du Centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot à 7 heures et conduit à Roissy pour être expulsé. Alerte immédiate chez tous ses soutiens qui seront 200 personnes à se rassembler à l’aéroport. Toute la matinée, les autres qui n’ont pu venir, le réseau tout entier continue à faxer, mailer à la présidence de la République pour stopper jusqu’à la passerelle l’expulsion d’Ibrahim.
Entravé, peut-être drogué, il n’a pu exprimer son refus. EXPULSÉ !
On sait la violence des récents affrontements entre Turcs et Kurdes. Ibrahim expulsé, c’est Ibrahim enrôlé de force dans l’armée turque pour tirer sur ses compatriotes, en danger de mort à tout moment, comme les autres Kurdes alévies engagés dans l’action politique. (Lire le billet précédent.)
Ibrahim avait des rêves, vivre, étudier, travailler en France loin des persécutions qu’a subi sa famille en Turquie. 21 ans ce n’est pas un âge pour mourir !
• Brigitte Cerf (RESF 77) •
Au moment où l’Education nationale est incitée à méditer sur la mémoire de Guy Môquet, deux lettres d’aujourd’hui témoignent de la vraie bagarre pour la liberté.
Celle d’Ibrahim Arpaci demandant l’asile politique, suivie de celle de ses copains lycéens.
• Lettre d’Ibrahim Arpaci
Je me permets par la présente de vous présenter une demande de reconnaissance de ma qualité de réfugié comme je l’explique ci-dessous, je risque de graves persécutions en Turquie du fait de mes
origines Kurdes alévies ainsi que de mes opinions et activités politiques. Je vous demande de bien vouloir enregistrer ma demande et trouver ci-dessous mon récit biographique ainsi que l’exposé de mes motifs.Je suis né le 30 août 1986, à Sunnet, village du district d’Elbistan dans le département de K.Maras au sein d’une famille kurde alévie. Jusqu’en 1991, j’ai vécu au village. En été 1991 nous sommes allés
rejoindre mon père à Iskenderun. Mon père y travaillait dans une usine de métallurgie. Il devenait de plus en plus difficile de rester au village. A cause de son soutien à la lutte nationale kurde alévie, la
population des villages d’Elbistan a été très durement touchée par la répression de l’armée turque. Plusieurs villages ont été complètement détruits. Notre village comptait environ une cinquantaine de foyers, mais en 1993 il n’y restait plus personne.C’est donc à Iskanderun que j’ai commencé mes études. J’ai été diplôme du lycée en 2004 puis, étant recherché par les forces de l’ordre, je n’ai pas pu poursuivre d’études supérieures. Les Kurdes alévies de la région d’Elbistan ont massivement lutté dans les rangs des organisations illégales de gauche turque et dans ceux du mouvement national kurde. Cet engagement intense contre l’Etat provient sans doute du fait qu’ils ont été depuis fort longtemps opprimés par les autorités et la population civile turque sunnite.
Ethniquement et religieusement, ce sont deux communautés différentes. Les autorités ont attisé les différends entre ces deux communautés et activement soutenu les Turcs sunnites contre les Kurdes alévies. Ainsi, nous faisions l’objet d’une double répression ethnique et religieuse. Il suffit de donner l’exemple du massacre de K.Maras en 1978, tristement célèbre. Des centaines d’alévies avaient été massacrés sauvagement par les Turcs sunnites encouragés et soutenus par les forces de l’ordre.
Pour les intégristes sunnites, les alévies sont des hérétiques. Selon eux, tuer sept alévies ouvre la porte du paradis. Même à Iskenderun, j’ai été constamment témoin de cette intolérance vis à vis de notre communauté. Pendant tout le mois du ramadan, nous vivions dans la crainte de persécutions car nous ne jeûnions pas. Les membres de ma famille et mes proches parents ont fait l’objet de graves persécutions du fait de leur opposition à l’Etat turc. Des dizaines de mes cousins ont été arrêtés à de multiples reprises, torturés. Beaucoup ont quitté la Turquie et vivent aujourd’hui comme des réfugiés dans les différents pays européens.

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