Qu’ils le soient encore plus…………………(27/09/2017)

Impôts : 5 milliards pour les riches, pour quoi faire?

Par Lilian Alemagna — 26 septembre 2017 à 20:56
Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avec Pierre Gattaz, à l’université d’été du Medef, à Jouy-en-Josas, le 30 août.Zoom
Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avec Pierre Gattaz, à l’université d’été du Medef, à Jouy-en-Josas, le 30 août. Photo Albert Facelly

Mesure phare du projet de loi de finances 2018 présenté ce mercredi, la réforme de l’impôt sur la fortune est censée encourager les investissements dans les entreprises. Un cadeau fiscal aux plus aisés en forme de pari risqué.

Ce n’est plus une formule, c’est un mantra : «L’allégement de la fiscalité sur le capital n’est un cadeau pour personne, c’est un choix pour l’emploi.» A l’image de ce discours seriné par le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, la semaine dernière devant des journalistes à Bercy, le gouvernement va marteler cette position tout l’automne durant la discussion parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2018, présenté ce mercredi matin en Conseil des ministres (lire page 5). Quitte à être accusé de mener une politique pour les Français les plus aisés, l’exécutif «assume» son choix : baisser la «pression fiscale» sur les contribuables les plus riches, leur offrir «une fiscalité stable, simple, légère», dixit Le Maire, sur leurs revenus tirés du capital et les inciter à «investir» ces sommes ainsi récupérées (près de 5 milliards d’euros selon les calculs de Bercy) dans les entreprises installées en France. Un pari économique qui peut très vite se transformer, faute de réussite, en boulet politique pour la suite du quinquennat.

Que prévoit le gouvernement ?

L’idée consiste à transformer l’impôt sur la fortune (ISF) en un simple impôt sur la fortune immobilière (IFI). Au 1er janvier 2018, les valeurs mobilières (actions, obligations…) ne seront plus soumises à cet impôt qui touche les familles les plus riches du pays (celles qui ont plus de 1,3 million d’euros de patrimoine). Seuls les biens immobiliers resteront concernés, aux conditions actuelles de l’ISF. Par ailleurs, alors que François Hollande avait fait le choix d’aligner la fiscalité du capital sur le barème progressif de l’impôt sur le revenu, Macron choisit, suivant une promesse de campagne, de tout remettre à plat : dès l’an prochain, les revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values de cession de valeurs mobilières, nouveaux plans d’épargne logement de plus de douze ans et nouvelles assurances-vie au-delà de 150 000 euros pour une personne seule) seront taxés à taux forfaitaire de 30 %. «On veut rendre la fiscalité du capital plus neutre et ne pas désavantager certains placements qui pouvaient atteindre des taux marginaux d’imposition allant jusqu’à 65 %», indique-t-on dans l’entourage de Le Maire. Les produits d’épargne populaire comme le livret A ou les plans épargne en actions (PEA) ne seront pas soumis à ce prélèvement forfaitaire unique (PFU).

«Le modèle de Macron, c’est la Scandinavie beaucoup plus que l’Allemagne, argumente Philippe Aghion, professeur d’économie au collège de France et proche du chef de l’Etat. Dans les années 90, ils ont baissé l’impôt sur les sociétés à 20 % – on a prévu de le faire passer de 33 % à 25 % -, supprimé leurs taxes sur la richesse et instauré un prélèvement unique sur le capital de 30 %, tout en maintenant leur modèle social.» L’idée du gouvernement est aussi de rapprocher la France des standards européens : depuis des décennies, nous sommes deuxièmes au classement de l’Union européenne des pays ayant le plus fort taux de prélèvement du capital derrière… le Luxembourg.

Pourquoi cet argent bénéficierait-il aux entreprises ?

C’est tout le pari de l’exécutif. Selon la logique martelée par Le Maire, «surtaxer» le capital «priver[ait] les entreprises des financements dont elles ont besoin pour investir, innover et créer des emplois». Puisque l’immobilier restera soumis à l’ISF et que certains placements seront moins taxés grâce au PFU, l’épargne irait vers des placements «plus risqués» car «plus rentables». «A moins d’avoir un comportement économique complètement irrationnel, si on dit aux gens qu’ils paieront moins d’impôts s’ils placent leur argent dans des actions d’entreprise, des start-up, dans les PME, il y a de fortes chances pour que cet argent des Français soit mieux orienté», défend le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. Sauf qu’en supprimant l’ISF, l’exécutif se prive d’un dispositif qui permettait jusqu’ici de sortir 50 % d’un investissement dans une PME de son impôt sur la fortune. Du coup, les PME – qui constituent un placement risqué – pourraient perdre quelques financements intéressants dans l’affaire… «Peut-être y a-t-il des amendements à faire passer», reconnaît en creux Stanislas Guerini, député La République en marche de Paris. «On ne flèche pas cet argent mais, dans un monde où les taux d’intérêts sont très bas, le pari est que cet argent sera dirigé vers des placements productifs, donc vers les entreprises, et non sur des comptes épargne qui rapportent très peu», défend-on dans l’entourage de Le Maire. «C’est effectivement un pari sur l’avenir… Car vous ne pouvez pas forcer les gens à investir là où les gens n’ont pas envie d’investir, met en garde Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Par ailleurs, il est paradoxal d’expliquer d’un côté qu’on veut créer un « choc d’offre » dans l’immobilier et dire ensuite que c’est un mauvais placement.» Vincent Touzé, autre économiste à l’OFCE, reste plus optimiste : «Si plus d’argent arrive, ça va remplir le réservoir des entreprises. Elles en feront bien quelque chose…»

Les entreprises ont-elles des difficultés pour «se financer» ?

C’est le présupposé du gouvernement et des organisations patronales. Or, selon une étude de la Banque de France publiée fin juillet, «les crédits mobilisés par les entreprises» étaient «en augmentation de 4,6 % sur un an». «Cette progression concerne toutes les catégories : + 2,4 % pour les PME, + 5,3 % pour les entreprises de tailles intermédiaires et + 3,9 % pour les grandes entreprises», précisait l’institution, au moment, où avec des taux d’intérêts historiquement bas, le coût du capital n’a jamais été aussi peu cher. «Elles n’ont pas tellement de problèmes d’accès au financement, elles ont un problème d’accès au capital, amende-t-on à Bercy. Regardez les capitalisations boursières des entreprises du CAC 40, elles sont détenues aux deux tiers par des fonds étrangers.» Et si les fonds d’investissements français ne se sont jamais aussi bien portés – en 2016, ils ont levé près de 15 milliards d’euros, + 50 % en un an -, c’est surtout grâce à des investisseurs étrangers. Selon l’Association française des fonds d’investissements (Afic), dans les quatre ans à venir, 9 milliards d’euros viendront financer des transmissions d’entreprises et 1,6 milliard d’euros pour des start-up.

Quant à la «faiblesse persistante de l’investissement […] depuis 2012», constatée par la Banque de France dans une note de janvier-février, c’est avant tout pour cause de «comportement attentiste» d’entreprises «préférant thésauriser leurs bénéfices plutôt qu’accroître leurs capacités productives». «Ce comportement est généralement expliqué par la faible demande qui dissuade les entreprises d’investir», conclut l’institution.

À qui doivent donc profiter ces réformes ?

A certains entrepreneurs plus qu’aux entreprises elles-mêmes. En supprimant l’ISF sur les valeurs mobilières, le gouvernement empêche certains dirigeants de sociétés – exonérés s’ils en sont propriétaires – de se retrouver soumis à cette taxe sur la fortune ou poussés à s’installer fiscalement à l’étranger avant leur retraite. «Cette situation pouvait les encourager à partir», confirme Vincent Touzé de l’OFCE. Quant à la mise en place d’une «flat-tax» à 30 % sur les revenus du capital, elle permettra, insiste Philippe Aghion, à certains entrepreneurs d’avoir «des revenus à eux ou de réinvestir, d’acheter des robots, faire le choix d’emprunter» et «d’envoyer un signal en Europe disant : après le Brexit, il y a des opportunités en France».

Un ancien pensionnaire de Bercy sous François Hollande observe la manœuvre : «La fiscalité des entreprises ne va pas bouger. La seule fiscalité qui bouge, c’est celle des patrons propriétaires de leur entreprise et des grandes familles les plus riches.» Il poursuit, sourire en coin : «Sur ce sujet, vous avez la différence entre une politique de gauche – le choix que nous avions fait d’aligner la fiscalité du capital sur celle du travail – et celle choisie par ce gouvernement… de droite.»

Lilian Alemagna

Liberation.fr
Publié dans : Economie, FINANCES, Impôts |le 27 septembre, 2017 |Pas de Commentaires »

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