Ombre menaçante sur l’économie mondiale. Dans une lugubre prophétie, les pythies de l’OCDE, club mondial d’économistes des pays développés, annoncent un net ralentissement de la croissance mondiale et évoquent les heures sombres de la crise de 2007. Les partisans de la décroissance sabreront le champagne. Les autres, chômeurs, salariés des classes populaires, paysans pauvres, classes moyennes angoissées ou retraités modestes, seront moins enthousiastes.
Nulle fatalité cyclique, nul décret mystérieux du destin dans cette prévision. Sans le dire, entre les lignes, l’OCDE désigne un coupable : le nationalisme qui s’est répandu à la surface du globe au cours de la dernière décennie. Certes, le dogmatisme libre-échangiste qui a longtemps présidé à l’action des organisations internationales porte sa part de responsabilité. La mondialisation sans loi qui semblait être le Graal des sommités planétaires, par ses excès, a jeté les classes populaires des pays riches dans le désarroi, favorisant le vote populiste. Mais la réaction nationaliste nous fait passer de Charybde en Scylla.
La guerre commerciale déclenchée par Donald Trump avec la Chine et quelques autres concurrents de l’économie américaine, dixit l’OCDE, renchérit les échanges, bouche l’horizon des investisseurs et diffuse l’incertitude sur l’activité économique.
Le «hard Brexit» voulu par les nationalistes anglais, emmenés au combat derrière le panache blond de Boris Johnson, prépare une récession britannique qui entraînera dans sa langueur le reste de l’Europe, au moment où l’économie allemande donne elle aussi des signes d’essoufflement.
La politique étrangère américaine, source de tension croissante dans un Moyen-Orient déjà secoué de conflits, est en passe de provoquer un nouveau choc pétrolier, qui n’est pas dû à l’épuisement des ressources, mais aux risques militaires qui pèsent désormais sur les capacités de production des pays du Golfe.
Mutatis mutandis, nous retrouvons une situation mondiale comparable à celle des années 30, quand la crise de 1929 a été aggravée par la guerre commerciale et les dévaluations concurrentielles enclenchées par des gouvernements eux aussi saisis du prurit nationaliste.
Les autorités monétaires réagissent en noyant le problème sous des cataractes de liquidités, qui alimentent la spéculation, poussent les prix de l’immobilier vers le ciel et favorisent par des taux d’intérêt étiques les investissements hasardeux. En temps normal, cette aisance monétaire fait grimper l’inflation, ce qui pousse l’activité et incite ensuite les banques centrales à la prudence. Mais dans une économie où les salaires sont bloqués par l’impératif de compétitivité et par le culte de l’inégalité pratiqué par les classes riches, ce mécanisme est inopérant. Les grands argentiers du monde sont réduits à la condition des médecins de Molière, qui ne comprennent rien aux causes du mal et manient leurs médications, clystères, purge ou saignée, sans en connaître les effets.
Seule une redistribution énergique, qui favoriserait le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires, offrant des débouchés à l’économie mondiale, aurait une chance de débloquer la situation. Mais ce serait là attenter aux tables de la loi libérale. En attendant, les nationalistes au pouvoir continuent de pratiquer des politiques qui, au nom des peuples, vont aggraver la situation des peuples.
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