La lettre de Laurent Joffrin………………(05/12/2019)

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Libération 05 décembre 2019
Laurent Joffrin
La lettrepolitique
de Laurent Joffrin

Unspectre hante la macronie

Ça part fort. Des centaines de milliers de manifestants (un million selon la CGT), 250 cortèges petits et grands, des taux de grévistes élevés, dans les transports comme dans l’Education nationale, une grève aussitôt reconduite à la RATP et à la SNCF, des grévistes aussi dans le secteur privé, des raffineries arrêtées. Le gouvernement peut se dire que d’autres mouvements, ces dernières années, ont réuni des défilés aussi importants, que les grévistes vont s’user, que l’opinion est partagée, etc. Mais pour l’instant, le gain de la journée est aux syndicats, qui entendent pousser leur avantage. La «team Philippe» n’échappera pas à l’épreuve de vérité.

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Le Premier ministre a déjà prévu un certain nombre de concessions, qu’il pourrait annoncer la semaine prochaine : un report des mesures d’économie, la mise en place immédiate d’un organe paritaire de gestion des retraites, un calendrier assoupli pour les régimes spéciaux, des assurances pour les profs… Il peut en espérer un dialogue avec la CFDT et une baisse de tension qui permettraient de faire passer le principe de la réforme, quitte à a modifier son application. Mais à écouter les manifestants, à lire les déclarations des grévistes, une drôle d’impression se fait jour : comme on le subodorait, il apparaît, en filigrane, que le mouvement dépasse de beaucoup la simple question des régimes spéciaux ou de la retraite à points. Beaucoup redoutent des mesures qui les visent directement. Mais d’autres protestent contre une réforme qui ne les concerne pas, d’autres encore se fondent sur des chiffres exagérés et sur des menaces fantômes, d’autres enfin laissent de côté la réforme et ciblent Macron, ses discours, son style, sa politique, sa personne, comme si le procès intenté dès l’origine – le «président des riches» – n’en finissait pas d’être instruit.

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On connaît le risque de ce genre de situation quand elle se prolonge : aussi rationnel soit-il, le verbe gouvernemental devient inaudible et c’est le pouvoir dans son ensemble qui est indistinctement rejeté. Le mouvement de colère transcende alors le mouvement social, rendant les compromis impossibles. N’anticipons pas. A la différence de l’épisode gilets jaunes, le gouvernement a en face de lui, non une protestation insaisissable, sans leaders ni stratégie, mais des directions syndicales rompues au rapport de force et à la négociation, qui prennent aujourd’hui un début de revanche et rétablissent leur légitimité. Ce qui laisse un espace à la discussion. Mais parions que dans les replis des consciences ministérielles, le spectre de 1995 prend de la consistance.

LAURENT JOFFRIN
Publié dans : Politique |le 5 décembre, 2019 |Pas de Commentaires »

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