Avis de coup de froid pour la macronie. Dimanche, lors de deux partielles dans le Val d’Oise et à Belfort, les candidats LREM se sont inclinés face à leur adversaire des Républicains. À l’issue du dépouillement des deux législatives partielles, dans la première circonscription du Territoire de Belfort, le candidat Modem soutenu par la République En Marche, Christophe Grudler a essuyé une défaite sans appel dans la partielle qui l’opposait à son concurrent Les Républicains, Ian Boucard, sorti en pole position du premier tour. Avec 41,07% des voix contre 58,93% pour son adversaire LR, il échoue à emporter le siège de député, qui ne lui avait pourtant échappé en juin que de 269 voix. Surtout, alors même qu’elle était arrivée en pole position au terme du premier tour, la candidate LREM dans le Val d’Oise, Isabelle Quoy-Muller n’a réuni dimanche que 48,55% des suffrages abandonnant la victoire à son adversaire LR Antoine Savignat. Le parti macronien concède donc un siège de député au parti de Laurent Wauquiez.
Sans attendre de connaître les résultats des partielles à Belfort comme dans le Val d’Oise, le délégué général de la République En marche avait pris les devants, soulignant que des partielles n’avaient en aucun cas valeur de «test» national. Avec 349 députés, la majorité dont dispose l’exécutif reste confortable. Néanmoins, même ravalé au rang de «signaux faibles»- signaux que d’ordinaire, l’entourage d’Emmanuel Macron prend très au sérieux — tels résultats sont annonciateurs de lendemains qui déchantent pour le parti présidentiel et son allié centriste. Tout comme l’avaient été les revers successifs enregistrés par la République En Marche aux sénatoriales de septembre puis aux trois municipales partielles qui se sont déroulées en décembre.
Témoin du flottement actuel de l’électorat: l’abstention est massive. Dans le Val d’Oise, plus de 80% des inscrits se sont détournés des urnes. Plus de 70% dans le Territoire de Belfort. A priori, rien d’inhabituel s’agissant de scrutins partiels, a fortiori après une année riche en rendez-vous électoraux. L’ennui, c’est que la désertion des électeurs n’a pas frappé les deux candidats en lice de la même façon.
Et pour la République En Marche et son allié Modem, la cote d’alerte est atteinte. À l’issue du premier tour, entre juin et janvier, plus de la moitié de l’électorat de Grudler et les deux tiers de l’électorat de Quoy Muller s’étaient évaporés, quand ceux de leurs concurrents des Républicains restaient quasi stables. Dimanche 8 février, le constat valait toujours, la candidate LREM dans le Val d’Oise comme son homologue de Belfort retrouvant moins de la moitié de leur électorat du 18 juin.
Faux tracts
Le motif de l’annulation de l’élection de Boucard par le Conseil constitutionnel était pourtant de nature à le servir: la veille du second tour de juin, la droite avait en effet distribué de faux tracts, l’un au logo du FN, l’autre de la France Insoumise, appelant à voter en faveur du candidat Les Républicains. Venus soutenir Grudler en meeting à Belfort le 25 janvier, le patron du Modem, François Bayrou et le délégué du parti macronien Christophe Castaner n’avaient d’ailleurs pas manqué de rappeler la volonté présidentielle de «moraliser la vie publique», et opposé la «tricherie» du candidat de la droite à «l’honnêteté» du représentant de la majorité. À l’évidence, l’argument n’a pas suffi à remobiliser les troupes En Marche. Redoutant une double déculottée à Belfort et dans le Val d’Oise, Castaner a dans l’entre-deux tours changé d’angle d’attaque. Jeudi sur France Inter, c’est un appel à la «mobilisation» citoyenne au nom de l’«obligation» que s’est fixé Macron de «réhabiliter la politique» dont il s’est fendu. Sans trouver d’écho ni dans l’une ni dans l’autre circonscription.
Victimes de la volatilité de leurs électeurs, qu’ils soient réservés vis-à-vis des réformes en cours, ou simplement las de se rendre aux urnes dans un contexte où le chef de l’Etat dispose déjà d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale, les deux candidats de la majorité présidentielle le sont aussi de l’isolement de son parti. Dans le Val d’Oise, le refus de la gauche d’appeler à voter pour LREM avait ouvert large le jeu. Même configuration dans la partielle de Belfort où seul le candidat EELV avait donné une consigne de vote en faveur de Grudler au second tour. Ni Savignat, ni Boucard n’ont rencontré telle difficulté: dans le Val d’Oise comme à Belfort, les électeurs d’extrême droite mobilisés au premier tour se sont largement reportés sur les candidats LR. De quoi conforter la stratégie nationale de Laurent Wauquiez, même s’il a dimanche soir, préféré lire dans les résultats un «désaveu qui sanctionne la politique du gouvernement». Et asseoir son statut de premier opposant à Emmanuel Macron.
Nathalie Raulin