POLITIQUE - Eva Joly, députée européenne d’Europe Ecologie Les Verts, était en déplacement à Lyon hier, pour soutenir plusieurs candidats aux cantonales. A Villeurbanne, puis à la Croix-Rousse, où elle a tenu un meeting devant plus de 300 personnes chauffées à blanc par l’accident nucléaire au Japon. Entretien.
Vous étiez à Villeurbanne où les tensions entre les candidats aux cantonales d’Europe Ecologie Les Verts et du PS sont très vives (1). Le maire socialiste de Villeurbanne, Jean-Paul Bret s’est d’ailleurs indigné de la « surexploitation » des catastrophes survenues au Japon par plusieurs responsables de votre mouvement ; il évoque un « manque d’éthique ». Que vous inspirent ces critiques ?
Il faudrait analyser pourquoi les socialistes nous attaquent de façon aussi vile. C’est notre discours depuis 40 ans. Faudrait-il qu’on se taise alors que tout ce que nous craignons se confirme ? Malheureusement, l’actualité nous donne raison. Ces attaques n’ont qu’une raison : elles viennent de pro-nucléaires qui n’assument plus leur pro-nucléarité. Et c’est particulièrement vrai pour les élus locaux de votre région. Alors ils n’ont plus qu’une parade : l’attaque. C’est presque diffamatoire.
Immédiatement après l’accident nucléaire au Japon, votre collègue Philippe Cochet a réclamé un référendum sur le sujet. Qu’en pensez-vous ?
Il n’y a jamais eu de débat public pour savoir si la France voulait être le pays le plus nucléarisé au monde. Il faut que nous sortions de cette culture d’omerta et de silence héritée de la culture de l’atome. En France, le développement du nucléaire civil trouve son origine dans le nucléaire militaire. Or les militaires ont amené avec eux la culture du silence.
C’est désormais une culture du 20e siècle, quand il était encore possible de maîtriser l’info. Mais avec les réseaux sociaux et Wikileaks, les secrets vont de plus en plus être divulgués. Nous avons besoin que l’agence de sécurité nucléaire nous ouvre toutes les archives des incidents survenus et que ces documents puissent être examinés de façon contradictoire pour déterminer ce qu’il faut faire. Mais nous savons d’ores et déjà que les centrales de Tricastin et du Budget, dans votre région, et celle de Fesshemein sont les plus anciennes et placées sur des zones sismiques.
Enfin, il faut revenir sur la récente décision totalement absurde de diminuer le photovoltaïque, tuant cette filière en France, et arrêter les projets de nouvelles centrales nucléaires et la folie de l’ITER (2) qui absorbe des milliards.
Pensez-vous que les contextes national et international vont très fortement peser sur ces élections cantonales ?
On va être étonnés du résultat des écologistes aux cantonales, peut-être pas en nombre d’élus mais en suffrages obtenus. Tout simplement parce que nous avons fait campagne ! Nous menons une vraie campagne lors de laquelle nous parlons de ce qui intéresse les gens. Il y a aussi le fait que les autres partis ne font pas le ménage chez eux, persistent à être dans le cumul et les mandats à répétion. Or il y a une aspiration à plus d’éthique en politique.
Vous êtes précisément dans le Rhône, présidé depuis plus de 20 ans par l’actuel garde des sceaux, Michel Mercier qui cumule plusieurs mandats…
Je parle en général, et pas simplement du Rhône. C’est une tendance générale, et pas nouvelle. A Marseille, Guérini (PS) fait exactement ce que nous dénonçons. C’est une dynastie, du népotisme, des situations malsaines. Hier, j’étais en meeting à Grenoble devant 600 personnes ; on se rappelle d’Alain Carignon (RPR) qui continuait à diriger Grenoble depuis sa prison.
Vous faites le tour de France pour soutenir les candidats. Etes-vous là en tant que future présidentiable ?
J’ai fait campagne de la même façon pour les Européennes et les Régionales. J’ai envie qu’Europe Ecologie continue de progresser. Les candidats m’invitent à venir les soutenir et je viens avec plaisir. Ils portent tous la conscience que la transformation écologiste de la société commence au département.
Par ailleurs le spectacle déplorable du fonctionnement de nos institutions, l’exercice solitaire et tout puissant du pouvoir, la gestion des intérêts d’une partie de la population et pas de l’intérêt général, peuvent inciter les citoyens à protester.
N’est-ce pas là un discours qui peut rejoindre celui de Front national ?
Le problème n’est pas le discours, mais la réalité. Notre démocratie dysfonctionne et je pense qu’Europe Ecologie Les Verts a une réflexion et des réponses à apporter. Nous porterons les institutions de façon respectueuse. Les écologistes sont les seuls à faire la réplique au Front national. Je suis d’accord avec Marine Le pen quand elle dénonce les multinationales, mais pas du tout avec les réponses qu’elle apporte. Nous sommes porteurs d’un vrai projet de société. Les citoyens commencent à se rendre compte que nous avions raison : pour les OGM, les abeilles, la pollution, les pesticides, l’absence de contrôle sérieux des médicaments… et le nucléaire.
recueilli par Anne-Caroline JAMBAUD
(1) En juin dernier, lors d’une cantonale partielle à Villeurbanne centre, le candidat socialiste l’avait emporté de 11 voix sur la candidate écologiste, par ailleurs adjointe à la mairie de Villeurbanne. Jugeant le maintien de son adjointe au 2nd tour « déloyal », le maire socialiste lui avait retiré sa délégation.
(2) ITER : prototype de réacteur nucléaire à fusion en construction à Cadarache dans les Bouches du Rhône.