La disparition de Georges Wilson laisse le théâtre français en deuil
AP | 03.02.2010 | 23:30
Disciple de Jean Vilar, comédien et metteur en scène incontournable de la scène théâtrale française, Georges Wilson s’est éteint mercredi après-midi à son domicile, à l’âge de 88 ans.
Père de l’acteur Lambert Wilson, le comédien à la carrure imposante avait aussi joué de nombreux rôles au cinéma et à la télévision, mais était aussi passé derrière la caméra, pour réaliser « La Vouivre ».
« Mon père, jusqu’à ses dernières heures, n’a fait que parler de théâtre et dans ses derniers cauchemars, ou dans ses derniers rêves, il était dans le théâtre », a souligné Lambert Wilson sur France Culture, évoquant un « engagement de toute une vie » et « l’instinct d’acteur extraordinaire » de Georges Wilson.
« Encore en activité à l’automne dernier dans ‘Simplement compliqué’ de Thomas Bernhard, une pièce saluée par la critique et qui devait partir en tournée, M. Wilson a vu son état de santé se dégrader rapidement ces jours derniers », a déclaré mercredi à l’Associated Press Phil Sanders, assistant à la mise en scène sur sa dernière pièce.
Né le 16 octobre 1921 à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), Georges Wilson intègre en 1945 le cours de Pierre Renoir à la prestigieuse École d’art dramatique de la rue Blanche à Paris et se voit engagé par Jean Vilar en 1952 au Théâtre national populaire (TNP).
Pour cette salle, il signera en plus de la création d’ »Ubu Roi » ou « Tucaret », six mises en scène dont « La Lumière de Bohème » de Valle-Inclan, distinguée du Prix de la mise en scène en 1962.
Quittant le TNP en 1972, il créée en Avignon « Ubu à l’Opéra » d’après Alfred Jarry, spectacle qu’il reprendra au Théâtre de l’Est parisien.
S’attelant à la mise en scène tout en poursuivant sa carrière de comédien, il signe ensuite « Sarah et le cri de la langouste » de John Murreil (1983) ou « Un Otage » de Brendan Behan au Théâtre de la Madeleine avec Jacques Dufilho.
Un acteur que Wilson retrouve en 1985 dans « L’Escalier » de Charles Dayer, puis dans une nouvelle version de « Léopold le Bien-aimé » au Théâtre de l’Oeuvre, établissement dont il assurera la direction artistique de 1978 à 1995.
Avec le même comédien en vedette, Georges Wilson enchaîne avec « Je ne suis pas Rappaport » de Herb Gardner, puis avec « Le Météore » de Dürrenmatt.
Avec son fils Lambert Wilson, sa direction de « Ruy Blas » donnée aux Bouffes du Nord en 1992 est saluée par la critique, tout comme le fut à l’international, sa mise en scène de l’oratorio « Jeanne au bûcher » d’après Claudel et Honeger, donné au Carnegie Hall à New York en 1984, sous la baguette de Seiji Ozawa.
En 2000, Georges Wilson recevait le Molière du meilleur second rôle pour « Une chatte sur un toit brûlant », pièce partie en tournée l’année suivante.
A la télévision, en plus de nombreuses apparitions comme acteur, comme dans la série « L’homme de la nuit », il avait réalisé le téléfilm adapté de la pièce de Jean Sarment « Léopold le Bien-aimé », qui lui a valu une récompense au Festival de Marrakech et un prix d’interprétation au Festival de Monte-Carlo.
Au cinéma, l’on se souvient de son premier long métrage comme réalisateur, tiré du roman éponyme de Marcel Aymé « La Vouivre » (1988), dans lequel il dirigea à nouveau Jacques Dufihlo, son fils Lambert Wilson, Suzanne Flon et Jean Carmet.
Toujours au cinéma comme acteur, où il débuta en 1954 dans « Le Rouge et le noir » de Claude Autant-Lara, Georges Wilson travaillait « au coup de coeur », comme pour son rôle du capitaine Haddock dans « Tintin et le mystère de la Toison d’or ».
Il a entre autre travaillé avec Henri Verneuil dans « Mayrig » et « 588 rue de Paradis », mais a aussi joué dans « Max et les ferrailleurs » de Claude Sautet, « L’Honneur d’un capitaine » de Pierre Schoendoerffer, « La Tribu » d’Yves Boisset, « Marquise » de Véra Belmont et pour son dernier rôle sur grand écran, dans « L’Ennemi public N°1″ de Jean-François Richet en 2007.
Le président Nicolas Sarkozy a rendu hommage à la mémoire de Georges Wilson, notant qu’ »avec la disparition de Pierre Vaneck, le théâtre français prend deux fois les couleurs du deuil ».
Georges Wilson, a déclaré M. Sarkozy dans un communiqué diffusé par l’Elysée, « n’a pas théorisé le théâtre », il « a été le théâtre. Compagnon de Gérard Philippe, de Jean Vilar, il a incarné un théâtre national, un théâtre populaire. Il a aussi habité de grands rôles de cinéma. Il était cher au coeur des Français ». Le chef de l’Etat a adressé ses « sincères condoléances à sa famille, avec une pensée particulière pour son fils Lambert Wilson ».
Le Premier ministre François Fillon a quant à lui salué en Georges Wilson « la grande figure par excellence du théâtre français ». « Shakespeare, Anouilh, Ionesco, Tennessee Williams, Bertold Brecht perdent un serviteur à la hauteur de leurs personnages », a-t-il observé dans un communiqué. « Quant au public français, il voit s’éteindre un visage familier et un homme dont la vie se confondait avec le théâtre ».
Le ministre de la Culture et de la communication Frédéric Mitterrand a exprimé de son côté sa « profonde émotion », saluant un « maître de l’art dramatique », l’un des « plus grands comédiens et metteurs en scène français du XXe siècle », l’ »emblème même d’une certaine idée de l’art de la scène, profondément humaniste, fidèle au meilleur de la tradition française », a-t-il estimé dans un communiqué.
L’ancien ministre socialiste de la Culture Jack Lang a lui rendu hommage à un « homme de théâtre d’exception », un « comédien prenant et doué d’une présence inimitable et incomparable ». AP