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Lancée jeudi, cette vaste concertation de six mois est appelée à nourrir la révision des lois de bioéthique. Au cœur des débats prévus dans toute la France et qui doivent impliquer médecins, experts, associations et citoyens : la PMA, le suicide assisté, le dépistage de maladies génétiques, l’autoconservation des ovocytes…
Mis à jour le 18/01/2018 | 17:48
publié le 18/01/2018
« Quel monde voulons-nous pour demain ? », c’est la question que pose le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui pilote les états généraux de la bioéthique, lancés jeudi 18 janvier. Des débats, une consultation en ligne et des auditions qui dureront jusqu’à l’été. Le but : nourrir la prochaine loi bioéthique, attendue au Parlement à l’automne pour réviser celle de 2011. Franceinfo vous explique ce qu’il faut savoir sur ces états généraux.
Pour que la loi s’adapte aux évolutions en matière de biologie, de médecine et de santé ou encore de droit, mais aussi aux évolutions de la société, le CCNE est tenu d’organiser des états généraux de la bioéthique au moins une fois tous les cinq ans, en l’absence de projet de réforme sur ces sujets. Par ailleurs, la dernière révision des lois de bioéthique, datée de 2011, prévoit que le Parlement doit faire un réexamen d’ensemble dans un délai maximum de sept ans après son entrée en vigueur, soit en 2018.
Les première lois de bioéthique datent de 1994. Une première révision avait eu lieu en 2004.
Le programme est très large, avec neuf thèmes sociétaux ou dictés par les progrès de la science.
La procréation. L’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA, ou AMP) aux femmes célibataires et aux couples de femmes, à laquelle est favorable Emmanuel Macron, figurera en bonne place dans les discussions. Le CCNE a ouvert la voie en se prononçant en juin pour une telle ouverture.
Selon un récent sondage Ifop paru dans La Croix, six Français sur dix sont favorables à la PMA pour les couples de femmes homosexuelles. Ils étaient un peu moins de 25% à y être favorables en 1990. Presque autant sont pour que les femmes célibataires en bénéficient.
>> PMA ouverte à toutes les femmes : y a-t-il un risque de pénurie de sperme ?
Selon ce même sondage, près de deux tiers des Français sont aussi favorables au recours à une « mère porteuse » ou GPA (gestation pour autrui), dont 18% « dans tous les cas » et 46% « pour des raisons médicales seulement ». Cette pratique est interdite en France et le président de la République n’y est pas favorable.
>> GPA : à rebours de son parti, un sénateur LR demande un débat « serein et apaisé » sur la question
La fin de vie. Le sujet de la fin de vie n’est pas inclus dans la loi de bioéthique (avec une loi séparée en janvier 2016), mais il sera tout de même discuté en Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Ile-de-France… A Tours (Indre-et-Loire), en mars, on abordera le suicide assisté, sujet récemment revenu dans l’actualité avec l’euthanasie en Belgique, à sa demande, de la romancière Anne Bert, en octobre 2017.
Selon le sondage Ifop pour La Croix, une grande partie de la société (89% des personnes interrogées) se prononce aussi pour une évolution de la loi sur la fin de vie : pour 47%, il faut légaliser l’euthanasie ; pour 24%, il faut légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et, pour 18%, le suicide assisté. En revanche, 11% des sondés estiment qu’il ne faut pas changer la législation actuelle.
>> Fin de vie : aux soins palliatifs à Argenteuil, « on ne soigne pas des mourants mais des vivants »
Les autres sujets abordés. Les recherches dans le domaine de la reproduction (cellules souches, autoconservation des ovocytes, etc.) ; la génétique (modification du génome, diagnostic préimplantatoire, tests génétiques…) ; le don d’organes et les greffes ; les données de santé (provenant par exemple des objets connectés ou des dossiers maladies) ; l’intelligence artificielle et la robotisation ; les neurosciences et le rapport santé/environnement.
Le 18 janvier, les états généraux de la bioéthique sont lancés. Un site a été ouvert pour recueillir l’avis des citoyens, associations, sociétés savantes… Le but est d’« approfondir et formuler des arguments pour présenter vos positions, dans un climat que nous souhaitons serein et respectueux », écrit le président du CCNE.
De janvier à mai, une soixantaine de conférences-débats, ouvertes au public, seront organisées partout en France par les espaces éthiques régionaux. Des rencontres spécifiques aux lycéens et aux étudiants de plusieurs disciplines sont également prévues, note La Croix. Parallèlement, les membres du CCNE procéderont aux auditions d’associations, de représentants d’autorités religieuses, de groupes d’intérêt et de sociétés savantes. Un « comité citoyen », panel d’une vingtaine de personnes représentatif de la population, qui produira son propre rapport. Enfin, les réflexions seront aussi nourries par les comités éthiques des principaux instituts de recherches et des académies.
En juin, le CCNE présentera son rapport de synthèse au gouvernement et aux parlementaires.
Le 7 juillet, un « événement de niveau national », selon une note du ministère de la Santé, doit venir clore la phase de débats. Dans le courant de l’été, le CCNE remettra un avis définissant « les priorités qui pourraient figurer dans la loi, à la lumière de toutes les contributions qu’il aura réunies », selon La Croix.
Fin 2018-début 2019. Un projet de loi révisant les lois de bioéthique sera finalisé « à l’été 2018″, pour un dépôt au Parlement « à l’automne » en vue de l’adoption d’une nouvelle loi bioéthique « dans le courant du premier semestre 2019″, a indiqué le gouvernement
«Je suis Charlie» : de consensuel à conflictuel
C’était un slogan fédérateur, c’est devenu un sujet de discorde. Le 7 janvier 2015, 12 h 52, Joachim Roncin, directeur artistique du journal Stylist, poste sur Twitter «JE SUIS CHARLIE», sur fond noir. Les frères Kouachi ont quitté les locaux de l’hebdo satirique il y a une heure. On ne sait pas encore qu’ils laissent derrière eux douze morts. Et parmi eux les plus grands talents de la caricature de la presse : Cabu, Charb, Wolinski, Tignous… La création de Roncin devient l’un des hashtags les plus populaires avec pas moins de 5 millions de tweets publiés en trois jours. A l’époque, sidéré par la puissance de la vague, Roncin plaide presque l’accident : «Je n’avais pas beaucoup de mots pour exprimer toute ma peine et j’ai juste eu cette idée parce que, notamment, je lis beaucoup avec mon fils le livre Où est Charlie.» Bien malgré lui, l’une des plus grandes controverses intellectuelles de notre histoire politique récente est lancée. Coupant en deux la gauche française. La promesse était pourtant ouvertement consensuelle. «Le hashtag a été d’autant plus partagé que sa définition n’était pas restrictive. C’était le plus petit dénominateur commun d’une collectivité soudée par un choc», analysent aujourd’hui Claire Sécail, chargée de recherche au CNRS, et Pierre Lefébure, maître de conférences à Paris-8.
Dans la foule immense et silencieuse du 11 Janvier, c’est le seul mot d’ordre qui est brandi. Fédérateur et unanime. Du moins, le croyait-on. Car très vite, son pendant «Je ne suis pas Charlie» montre le bout de son nez. D’abord à la marge, aux extrêmes. Jean-Marie Le Pen tweete : «Je ne suis pas Charlie, je suis Charlie Martel.» Dieudonné balance sur Facebook sa bombe : «Sachez que ce soir, je suis Charlie Coulibaly.» Il sera condamné pour apologie du terrorisme quelques mois plus tard. Le 20 janvier, au Club de la presse d’Europe 1, Tariq Ramadan, l’islamologue au million d’amis sur Facebook, déclare : «Je ne suis pas Charlie au sens où je ne suis pas pour des slogans. Maintenant, si vous me dites qu’avec « Je suis Charlie », je défends la liberté d’expression, oui je soutiendrai ça.» Puis il dénonce «l’humour lâche» de Charlie Hebdo qui, selon lui, «stigmatise une communauté», musulmane. Dans certaines écoles, on peut entendre dans la cour de récréation : «Ils l’ont un peu cherché, non ?» ou «pourquoi défendre Charlie Hebdo et condamner Dieudonné ?» Près de 200 incidents sont recensés dans les 64 000 établissements, qui scolarisent 12 millions d’élèves. Une infime minorité donc, mais qui va suffire à fissurer l’unanimisme. «Je ne suis pas Charlie» est né.
En France, le climat se tend très vite. D’abord sur une question : le droit à caricaturer une religion. Peut-on tout à la fois se dire Charlie et ne pas aimer ses dessins ? Y a-t-il un «mais» possible après «Je suis Charlie» ? Le 17 janvier, sur TF1, Jamel Debbouze est la première personnalité de la société civile à tenter d’ouvrir une brèche. Le blasphème ? «Je suis mal à l’aise, ce n’est pas de ma faute, c’est dans ma culture, répond le comique, qui compte parmi les personnalités préférées des Français. On peut aller manifester pour défendre la République même si on n’est pas d’accord avec les caricatures.» Tous les grands monothéismes sont sur la même ligne. Mais l’islam est au cœur de toutes les attentions médiatiques et politiques. Humoriste et homme de radio, Yassine Belattar se souvient de ces semaines post-attentats. Le 7 Janvier, il tweete immédiatement «Je suis Charlie». Il manifeste le 11. Un déclic pour lui. «A l’occasion du défilé, on nous demandait de nous justifier en permanence. C’était insultant et traumatisant.» A l’époque, il est animateur à Beur FM, il se souvient : «De la fierté des auditeurs à se dire en deuil et de leur gêne à ne pas pouvoir assumer « Je ne suis pas Charlie ».»
En avril 2015, un petit livre rouge de 241 pages va soulever une polémique. Le Qui est Charlie ? du démographe Emmanuel Todd finit de dynamiter l’unanimisme post-attentats. L’intellectuel, qui revendique encore ses attaches à gauche, attaque. Les manifestations monstres du 11 Janvier ? «Un moment d’hystérie collective», «excluante». Ciblant ouvertement Charlie, il écrit : «Blasphémer de matière répétitive, systématique sur Mahomet, personnage central de la religion d’un groupe faible et discriminé devrait être, quoi qu’en disent les tribunaux, qualifié d’incitation à la haine religieuse, ethnique et raciale.»Todd est l’un des premiers intellectuels ouvertement «pas Charlie». «La levée de bouclier contre ce livre est tout à fait notable. Il posait pourtant une bonne question : qui étaient les personnes qui avaient soutenu le mot d’ordre ?» analyse l’historien Laurent Jeanpierre, auteur de la Vie intellectuelle en France. «Mais Todd est allé trop vite : il troque une projection fausse contre une autre. Des « Je suis Charlie » unanimement tolérants, on passe à des manifestants unanimement islamophobes.» Au même moment, mais dans le camp d’en face, l’essayiste et ex-collaboratrice de Charlie Caroline Fourest réplique avec la sortie de son ouvrage : Eloge du blasphème.
L’année 2015 est terrible. Avant même les attentats du Bataclan, les actes islamophobes et antisémites grimpent en flèche. Pourtant, en janvier 2016, 71 % des Français se disent toujours «Charlie». Et environ le même pourcentage considère que «la laïcité est en danger». C’est la deuxième controverse contenue dans ce «Je suis Charlie». Elle va déchirer la gauche et diviser au sommet de l’Etat. Alors Premier ministre, Manuel Valls, partisan d’une laïcité de combat, proche de celle défendue par l’hebdo satirique, veut la peau de Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, accusé de sous-estimer la menace d’un islam politique. François Hollande lui sauve la peau. Mais refuse de trancher le débat sur l’esprit de la loi 1905. Les deux camps sont devenus irréconciliables. «Je me sens en empathie avec les membres de la rédaction de Charlie Hebdo. Mais cela ne m’empêche pas de combattre leurs idées : ils confondent leur conviction antireligieuse et le principe de laïcité», analyse l’historien Jean Baubérot, spécialiste de ces questions. «Je pense exactement le contraire : nous vivons une époque de remontée des intégrismes religieux et seule une vision vigilante de la laïcité, conforme à celle des pères de la loi de 1905, peut nous en protéger», répond Caroline Fourest. Résultat : «Le mouvement a beaucoup évolué, notamment sous l’influence de la « ligne Valls », renchérit Romain Badouard, universitaire à Cergy, auteur d’une étude en 2016 sur les «Je suis pas Charlie» et l’influence des réseaux sociaux. Est-ce que c’est une récupération ou une simple évolution ? Un détournement ou une confiscation ? A l’époque, les enjeux de liberté d’expression prévalaient sur ceux de laïcité.»
En mars 2016, cette guerre des idées entre dans une nouvelle étape. Le Printemps républicain, un collectif imaginé par le politologue Laurent Bouvet, théoricien de «l’insécurité culturelle», revendique la filiation directe «Je suis Charlie». C’était une «prolongation et non une privatisation de « Je suis Charlie », défend l’ex-député PS Jérôme Guedj, l’un des premiers signataires du manifeste qui sera publié conjointement par les hebdos de gauche Marianne et de droite Causeur. Le texte fondateur est équilibré, dénonçant «les faiseurs et défaiseurs identitaires de tous bords», «extrême droite comme islam politique». Sauf que de la défense de la liberté d’expression originelle, on verse dans la promotion d’une conception de la laïcité très stricte. Pour eux, il y avait urgence. «Depuis trois ans, au lieu d’un renforcement du soutien à Charlie, on a vécu un délitement», justifie un proche de Valls. Le noyau du mouvement est composé de nombreux proches du Premier ministre. A l’époque, Bouvet rencontre régulièrement le Premier ministre, comme Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme ou la maire du XXe arrondissement de Paris, Frédérique Calandra. Paraphrasant Elisabeth Badinter, elle n’hésitait pas, lors de la soirée de lancement du Printemps républicain, à lancer : «N’ayez pas peur du mot islamophobe car c’est nous le rempart contre les extrémismes.» Le mot «islamophobie» est au cœur d’une guerre sémantique sans merci. Pour le Printemps républicain, l’accusation d’islamophobie est une manière d’interdire toute critique de l’islam et donc de condamner l’esprit de la loi de 1905. Pour les autres, c’est un nouveau visage du racisme.
La controverse n’a cessé de se durcir pour culminer avec la polémique Charlie-Mediapart en novembre. Où la figure de Tariq Ramadan, cette fois accusé de viols, refait surface. Une hystérie qui nuit au débat démocratique pour Emmanuel Maurel. «Je suis totalement laïque, totalement « Charlie », mais je ne crois pas pour autant qu’il faille lire toutes les questions politiques à l’aune de ce seul débat», explique l’eurodéputé socialiste. Signataire du manifeste du Printemps républicain, il s’est tenu à l’écart de leurs travaux «par prudence». Patron des députés socialistes, Olivier Faure faisait aussi partie des signataires de mars 2016 mais «ne se retrouve pas non plus dans ce qu’ils ont fait de leur manifeste». «Je ne vis absolument pas ce qu’ils dénoncent, la guerre de civilisation dans les quartiers. Ce n’est pas la réalité de ma circonscription pourtant très métissée», ajoute le parlementaire de Seine-et-Marne. Pour lui, «s’arroger « Charlie » est une erreur».
Même si elle n’a pas signé le manifeste, Caroline Fourest réfute l’idée que la promesse originelle de «Je suis Charlie» ait été dévoyée. «C’est un message très simple et très fédérateur : refuser qu’on puisse mourir pour avoir ri des intégristes ou parlé de religion.» Trois ans après, l’élan fédérateur n’est plus : 61 % des Français se disent «Charlie» (soit 10 points de moins qu’en 2016). Débattre de ces questions relève du sport de combat. On est pour ou contre. «Le débat est devenu binaire, déplore Nassira El Moaddem, directrice du Bondy Blog. On nous interdit d’être à la fois en faveur de la liberté d’expression et de caricature de l’islam tout en défendant le droit à expliquer pourquoi on peut ne pas être « Charlie ».» Pour l’universitaire Romain Badouard, l’impasse est totale. «La qualité du débat public en France s’est dégradée de manière dramatique depuis trois ans. La répétition des attentats a tout crispé, analyse l’universitaire. Aujourd’hui, les deux camps ont été récupérés politiquement. Ils s’intimident via les réseaux sociaux jusqu’à faire taire leurs adversaires.» A l’approche du 3e anniversaire de son slogan, Joachim Roncin observe un peu désolé : «En 2015, « Je suis Charlie » a été le symbole d’un moment. Aujourd’hui, tout est plus compliqué.»
Grégoire Biseau , Sonya Faure , Laure Bretton , Thibaut Sardier , Frantz Durupt
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Mettre au ban de l’Europe le nouveau gouvernement autrichien
Disons-le clairement : les héritiers du nazisme sont en position de force dans le nouveau gouvernement autrichien. En conséquence, les Etats et les sociétés civiles d’Europe doivent agir avec détermination pour mettre ce gouvernement au ban de l’Europe et boycotter la présidence autrichienne de l’Union Européenne. Je sais que cette position, consensuelle lors de la précédente participation du FPÖ – le Parti de la liberté d’Autriche – au gouvernement de 2000 à 2006, ne l’est plus aujourd’hui. L’héritage nazi serait-il moins infamant qu’hier ? La nature exterminatrice des référents idéologiques du parti serait-elle moins dangereuse ? En effet, si ce sont essentiellement les discours antimusulmans et xénophobes, en particulier à l’encontre des réfugiés, qui ont permis au FPÖ de revenir sur le devant de la scène politique, sa matrice idéologique n’a pas varié. Les incidents qui ont émaillé la campagne, dont certaines déclarations du nouveau chancelier Kurz, ont montré que l’antisémitisme progresse et gagne en virulence dans son expression politique, au FPÖ comme dans plusieurs autres mouvements et partis. Un certain effacement de la mémoire de la Shoah dû à l’éloignement de l’événement dans le temps et à la disparition des rescapés, surtout dans ce pays qui n’a pas connu de véritable dénazification ou de travail de mémoire sérieux, joue certainement un rôle dans la permissivité avec laquelle le FPÖ est de nouveau entré au gouvernement. L’attraction qu’exerce le nationalisme sur la jeunesse qui, en Autriche comme ailleurs, compte également parmi ses plus importants soutiens.
Ce qui constitue la funeste originalité autrichienne, c’est l’apathie de la société civile. Alors que cela fait deux mois que les négociations avec l’extrême droite en vue de la formation du gouvernement ont été engagées, elle n’a pas fait sérieusement entendre sa voix. Comme si le contrôle de la vice-chancellerie par un ancien proche des milieux néonazis, et de ministères régaliens par son parti ne méritait pas de fortes mobilisations. L’action des Etats d’Europe et de la société civile, en Autriche comme ailleurs sur le continent, doit désormais être vigoureuse et déterminée. Ne pas se confronter fortement à ce gouvernement, au-delà de quelques protestations de forme, serait une faute politique et morale majeure.
Il s’agit d’éviter une fracturation de notre continent et de l’Union européenne concernant les valeurs de nos sociétés comme la nature de nos systèmes politiques. Cette fracturation est déjà entamée, notamment entre Ouest et Est, où plusieurs régimes ne peuvent plus être qualifiés de démocratiques, comme en Hongrie ou en Pologne. Elle concerne l’ensemble de notre continent, où l’attachement aux valeurs d’égalité, de justice et de liberté qui fondent la démocratie ne fait plus l’unanimité au sein des populations. La récente grande manifestation européenne de 60 000 nationalistes extrémistes à Varsovie a illustré la force de la contestation radicale de ces valeurs. Cette fracturation pourrait être fatale à l’UE et à la démocratie libérale comme système politique et de valeurs de nos pays. Aussi, la société civile et les Etats d’Europe doivent mettre au ban ce gouvernement autrichien. Concrètement, cela signifie tout d’abord des mobilisations populaires en Autriche. Associations, intellectuels, artistes, citoyens et autorités locales doivent s’engager ensemble, avec les étrangers qui font preuve de solidarité internationale avec eux, pour faire vivre la démocratie.
Ces mobilisations doivent être accompagnées par des actions de soutien de la société civile dans les autres pays d’Europe. Cela signifie également, à l’instar de la position commune européenne en 2000, que les ministres d’extrême droite ne doivent être reçus par aucun de leurs homologues européens, qui ne doivent participer à aucune réunion avec eux. La société civile devra, à l’occasion des déplacements à l’étranger du chancelier Kurz ou des ministres de son parti, signifier un rejet ferme de son alliance avec le FPÖ. Cela implique aussi le boycott par les chefs d’Etat et de gouvernement de la présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018, afin de signifier en actes la primauté des valeurs humanistes de l’Europe. Enfin, il est essentiel d’engager des initiatives européennes ambitieuses, qui mettent notamment la jeunesse en son cœur, suscitent son adhésion et approfondissent la démocratie. Par exemple, la généralisation de la circulation des jeunes en Europe autour d’un «Erasmus universel», soutenu par la jeunesse à travers le continent, contribuerait à constituer une identité et une société civile européennes. Celles-ci sont fondamentales pour l’existence d’institutions communes, et leur formation se situe à l’opposé des projets de haine et de renfermement proposés par le nationalisme et par l’islamisme. De notre réaction à l’accession du FPÖ à une position de force au sein du gouvernement autrichien dépend en partie la nature de notre avenir européen partagé. En Autriche et ailleurs, il nous faut être à la hauteur de l’enjeu.
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Comment contester les ordonnances ?
Comment contester les ordonnances ?
Ces ordonnances, destinées à réformer le droit du travail, supputent que la flexibilité favorisera l’emploi. C’est oublier que les entreprises disposent déjà de souplesses (emplois temporaires, etc.). Loin des milliers d’emplois promis, presqu’aucune n’a utilisé les accords Fillon de 2004 et ceux de maintien dans l’emploi, introduits en 2013. C’est oublier qu’une entreprise embauche pour produire, et ne produit davantage que si elle espère vendre plus. Or, c’est la politique économique qui détermine la demande globale. Le gouvernement se décharge de ses responsabilités sur les entreprises. Le plus grave est sans doute ici : par cet acte I – couplé à une nouvelle cure d’austérité budgétaire – il tourne le dos aux priorités pour relancer l’emploi : engager la reconstruction pour les besoins sociaux et écologiques, remettre en cause le pouvoir de la finance, le libre-échange, les politiques d’austérité, les inégalités qui – l’OCDE le reconnaît – étouffent l’activité.
Les ordonnances détruiront des emplois. En facilitant les licenciements d’abord. Grâce à son régime plus strict, l’Allemagne n’a pas réduit l’emploi en 2009. En favorisant un surcroît d’austérité salariale ensuite. Les seuls accords visés par les ordonnances sont ceux de moins-disant social, les entreprises ayant toujours eu la possibilité – c’est l’essence du principe de faveur – d’accorder plus à leurs salariés. Prime d’ancienneté ou 13e mois prévus par accord de branche pourront être supprimés. Au dumping social externe, par le libre-échange et les travailleurs détachés, s’ajoutera le dumping social interne. Avec ce souci : nous vivons dans des sociétés salariales. Près de 90 % des emplois sont salariés. Ce sont les salaires qui portent l’essentiel de la consommation (80 % des débouchés), l’investissement (20 %) en dépendant beaucoup.
Les PME pourront établir des accords en contournant les délégués syndicaux. Un cadeau empoisonné à y bien réfléchir. Elles sont souvent en situation de sous-traitance avec de grands groupes, lesquels exigeront qu’elles mobilisent ces «nouvelles souplesses» pour comprimer leur prix. Nouvel oubli : le droit du travail a été conçu pour protéger la partie faible, le salarié, et aussi comme «loi de la profession», pour empêcher le dumping social entre entreprises.
Le patronat le plus autocrate est encouragé. Nulle trace dans les ordonnances d’une plus grande place pour les salariés. La fusion des instances du personnel réduit leur capacité d’action. Le recours aux experts est raboté : l’instance unique devra financer certaines missions à hauteur de 20 % et sera d’autant plus découragée à le faire qu’est introduite la fongibilité des parts sociale et économique de son budget (il y aura à choisir entre arbre de Noël et expertise). En Allemagne, le conseil de surveillance (qui nomme le directoire de l’entreprise) est composé pour moitié de représentants des salariés dans les entreprises de plus de 2 000 salariés (un tiers dans les plus de 500) et les CE sont possibles dès 5 salariés. Cette codétermination, à l’instar de la cogestion suédoise, favorise la coopération, l’investissement dans la qualification et la productivité.
Le travail suppose un engagement de la personne, on travaille mieux quand on a le sentiment d’être bien traité et la coopération suppose de la sécurité. Ces leçons de bonne gestion sont balayées au profit de l’adaptation sans fin aux exigences de la finance. En symbiose avec elle, est promue l’«entreprise liquide» avec des salariés jetables. Est niée l’entreprise pour ce qu’elle doit être : une institution collective, sociale, dont la vocation pour produire est de mobiliser un collectif de travail. Un financier achète et revend des titres le jour même, mais on n’achète pas des machines, on n’embauche pas des salariés, pour s’en débarrasser ainsi. Logiques financière et d’entreprise sont antithétiques comme le soulignait Keynes.
Contester au fond les ordonnances suppose d’articuler deux registres. Celui traditionnel de la lutte des classes (il y a bien régression pour les salariés), mais aussi celui de la démocratie. Celle-ci a un volet libéral (liberté de penser, de s’associer, de contracter), et un qui ne l’est pas, le primat du suffrage universel, de la loi, de l’Etat, l’intérêt général, n’en déplaise aux libéraux, n’étant pas réductible au jeu des intérêts particuliers. Ce qui vaut pour un pays vaut pour l’entreprise. Celle-ci ne se réduit pas aux actionnaires qui souvent la connaissent peu (les grands fonds ont des participations très minoritaires dans des milliers d’entreprises). Il existe, par-delà les conflits qui la traversent, un intérêt général de l’entreprise, qu’il importe de porter contre la vision libérale.
Aller au fond, c’est admettre que le salariat est émancipation avant d’être exploitation. Le code du travail a institué le statut salarié contre celui de «louage d’ouvrage», par lequel les ouvriers s’auto-exploitaient (au XIXe siècle, les prud’hommes opposent souvent les ouvriers entre eux). Le salariat libère le travailleur du tâcheronnage, du marchandage, il l’inscrit dans un collectif de travail, l’entreprise. Il y a bien lieu de le défendre face à l’asservissement ubérisé. Aller au fond, c’est défendre l’Etat social, avec le droit du travail, et la protection sociale, les services publics. Puissions-nous donc éviter le tête-à-queue observé contre la loi El Khomri, où un mouvement de défense de la loi, contre le primat des accords d’entreprise, s’est parfois rapetissé en happening libertaire contre l’Etat.
Christophe Ramaux économiste à Paris-I, membre des Economistes atterrés
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L’entreprise, monarchie de droit social
En 1910, au moment des débats entourant la naissance du premier code du travail, un professeur d’économie et de législation industrielle, Adéodat Boissard, écrivait : «L’évolution politique a devancé l’évolution économique dans nos sociétés modernes, en ce sens que le troisième système de répartition économique : le régime associationniste, n’a encore été pratiqué que sur une très petite échelle, à titre d’expériences très localisées, tandis que le principe démocratique paraît informer de plus en plus les constitutions politiques des Etats contemporains. Ce qui est certain, c’est que nous sommes, actuellement, du point de vue économique, en régime monarchique tendant vers le constitutionnalisme.» (1)
Notre auteur nommait également ce dernier «régime capitaliste» ou «régime de partage conventionnel inégal» pour souligner que, dans cette configuration, certains producteurs se réservaient la totalité des bénéfices de la production. Dans son esprit, le progrès consistait clairement à passer au régime de partage proportionnel ou associationniste, celui dans lequel est réalisé «le partage absolument complet et aussi proportionnel que possible à la part prise par chacun à la production de tous les résultats de cette production».
Plus d’un siècle plus tard, contrairement aux espoirs d’Adéodat Boissard, nous nous trouvons toujours, selon sa catégorisation, en régime monarchique. Mais le plus curieux est que cette situation ne fait plus débat et que depuis au moins une bonne trentaine d’années la question de la démocratie dans l’entreprise ne constitue plus un élément central ni du débat d’idées ni des revendications politiques ou syndicales.
Tout se passe comme si une période de glaciation s’était ouverte et qu’envisager une telle possibilité, des entreprises gérées démocratiquement, était devenu un véritable tabou, pire, un propos nécessairement tenu par des «irresponsables», des irréalistes. Lorsqu’on veut nous faire rêver, on nous parle entreprises libérées, organisations plates et en tout cas réinventées, disparition des hiérarchies, mais il n’est jamais question de partage du pouvoir ou de la propriété.
Les coopératives restent, comme à l’époque d’Adéodat Boissard, assez peu développées et ne constituent pas un rêve partagé, une utopie concrète. Nous nous trouvons donc dans une situation où non seulement une grande partie des travailleurs reste subordonnée au pouvoir de l’employeur (le pouvoir de mobiliser le travail d’autrui à son profit et plus précisément de donner des ordres, de contrôler leur exécution et de sanctionner les manquements) mais où les contre-pouvoirs nécessaires, qui prennent leur source dans le code du travail et s’incarnent dans les syndicats, se réduisent chaque jour un peu plus comme les récentes ordonnances en témoignent.
Et pourtant, malgré l’expansion quantitative et qualitative du salariat, malgré les échecs des tentatives autogestionnaires, les arguments philosophiques en faveur d’une démocratisation de l’entreprise ne manquent pas, que celle-ci passe par le renforcement du pouvoir des syndicats (monopole de négociation, présence dans les conseils d’administration) ou par la participation des salariés associés à la propriété comme dans le cas des coopératives.
En 1985, le professeur de sciences politiques Robert A. Dahl rappelait dans A Preface to Economic Democracy que les travailleurs ont un droit moral à participer à la gestion de l’entreprise, et que toute organisation doit être gouvernée par ceux qui sont concernés. On sait qu’il a souvent été répondu à cela que l’entreprise appartenait à ses actionnaires, et que le risque pris par ceux qui apportent le capital devait être récompensé.
Il me semble qu’au moment même où les nécessaires contre-pouvoirs dévolus aux salariés se réduisent dans notre pays, et qu’il apparaît clairement que le modèle qui nous est proposé ne ressemble en rien au «modèle» nordique ou allemand (les syndicats y ont en effet un monopole de négociation, sont présents dès le seuil de cinq salariés, et les représentants des salariés sont présents au conseil d’administration, occupant entre le tiers et la moitié des sièges selon les cas), un certain nombre de chercheurs renouent avec l’inspiration de Robert A. Dahl et amènent des ressources susceptibles de redonner à ce débat central son importance.
Non, les actionnaires ne sont pas les propriétaires de l’entreprise, explique Jean-Philippe Robé, non, la fonction de l’entreprise n’est pas exclusivement de faire du profit, continuent Blanche Segrestin et Armand Hatchuel, oui, l’entreprise qui veut motiver ses salariés doit leur permettre de participer pleinement aux grandes décisions stratégiques soutiennent Jean-Louis Beffa ou Olivier Favereau. On peut aussi estimer que le risque de perdre son emploi encouru par certains salariés est plus grand que celui de perdre sa mise en capital pour l’actionnaire, qui peut se terminer par la liquidation judiciaire ou la fermeture d’une société à responsabilité limitée.
Récemment, la philosophe Isabelle Ferreras a proposé, en se fondant sur le désir de justice des salariés et sur leur aspiration à exercer un travail expressif, une véritable révolution : que les dirigeants de l’entreprise soient élus par la «chambre du travail» et la «chambre du capital». Cela fait bien sûr penser à la cogestion à l’allemande, une cogestion encore plus rigoureuse que celle qui existe et généralisée. A la lecture de ces auteurs, cette configuration, qui organise la coexistence des intérêts des deux parties paraît, à l’instar de la généralisation d’un modèle de producteurs associés, éminemment légitime.
Si comme le prévoyait Tocqueville, la revendication de démocratisation devait concerner finalement toutes les institutions, on ne voit pas pourquoi l’entreprise y échapperait. La question est sans doute de savoir aujourd’hui si les coups de boutoir donnés au salariat sont plutôt susceptibles d’alimenter ce type de revendication ou de lui porter un coup fatal en ouvrant les vannes d’un auto-entreprenariat pour l’instant radicalement individualisé.
(1) «Contrat de travail et salariat» : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56522768