Archive pour la catégorie 'PRESIDENTIELLES 2012'

L’édito de Nicolas Demorand………………………(03/05/2012)

Politiques Aujourd’hui à 0h44 (Mis à jour aujourd’hui à 9h40)

Tension

Par Nicolas Demorand

Atmosphère tendue dès le début de l’affrontement télévisuel entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. Les deux finalistes de l’élection présidentielle avaient manifestement envie d’en découdre. Et le climat politique dégradé, violent de cette fin de campagne, planait aussi dans le sinistre studio de télévision accueillant le débat. Sur la forme, le président-candidat fut pugnace, accrocheur, cherchant constamment le combat. A l’offensive mais aussi, souvent, sur la défensive. François Hollande, nettement plus serein, n’a pas esquivé, loin de là, n’hésitant pas à faire monter la pression et à attaquer lui aussi. Parfois brutalement et avec une vraie gourmandise. Toujours prompt à dégainer quelques formules bien senties : «Vous aurez du mal à passer pour une victime» ; «ce n’est jamais de votre faute» ; «vous êtes toujours content de vous». Car, sur le fond, tel aura été le grand paradoxe de ce débat : le refus constant d’assumer le bilan du quinquennat, le «conseiller à la Cour des comptes» François Hollande ayant toujours beau jeu d’opposer aux propositions de Nicolas Sarkozy les piteux résultats des politiques publiques qu’il a mises en œuvre. Et, au-delà, les dix dernières années de droite au pouvoir. Enfin, par rapport à 2007, et en dépit d’une réalisation digne de la télévision époque ORTF, la dynamique propre du débat aura permis d’éviter la juxtaposition des langues de bois, le choc des slogans creux. Et, à ce jeu-là, François Hollande a marqué bien des points.

Le débat : analyse………………………….(03/05/2012)

Débat : des rixes et du métier

François Hollande et Nicolas Sarkozy se sont affrontés hier soir. Un duel vif, où le sortant a cherché à défendre son bilan, et le socialiste à affirmer sa stature présidentielle.

Par ALAIN AUFFRAY, MATTHIEU ECOIFFIER, GRÉGOIRE BISEAU, LAURE BRETTON

Pas de round d’observation. Hier, 21 heures. Les deux finalistes de la présidentielle entrent tout de suite dans le vif du sujet. Sans préliminaire. Les échanges sont rapides, secs. Le débat télévisé de l’entre deux tours entre Nicolas Sarkozy et François Hollande a été sans concession.

Au cœur du premier quart d’heure de leur confrontation, les deux candidats se disputent la posture du rassembleur. Le socialiste prend immédiatement l’ascendant sur son rival, étrangement sur la défensive. François Hollande est assis droit au fond de sa chaise, tandis que le président-candidat se tient sur le bord, les coudes sur la table, tendu. Premier à s’exprimer, Hollande se pose comme le «président de la justice, du redressement et du rassemblement» : «Pendant trop d’années, les Français ont été opposés, divisés. Je veux les réunir, car c’est ainsi que reviendra la confiance», lance le favori des sondages. Piqué au vif, Nicolas Sarkozy zappe sa propre introduction et se place sur le terrain de son adversaire. «J’ai écouté M. Hollande, c’est assez classique ce qu’il a dit. Il a dit qu’il serait un président extraordinaire si les Français le choisissant [sic]. […] Je veux que ce soit un moment de vérité, pas avec des formules creuses», poursuit le chef de l’Etat, accusant à l’avance son compétiteur de manier l’esquive. «Je n’imagine pas que vous feindrez, et vous n’imaginez pas que j’esquiverai», claque alors Hollande.

«Violence». La tension s’installe à peine trois minutes après le début du débat, déjouant le pronostic des proches du chef de l’Etat, qui ne s’attendaient pas à un Hollande aussi à l’offensive. Sarkozy rebondit surtout sur la promesse de rassemblement du socialiste : «Je ne suis pas l’homme d’un parti, je ne parle pas à la gauche. Le rassemblement, c’est de parler à tous ceux qui n’ont pas voté pour vous.» Son interlocuteur le coupe aussitôt, ironisant : «Si vous avez le sentiment que, pendant cinq ans, vous avez rassemblé les Français et que vous ne les avez pas opposés, divisés, je vous donnerai quitus. Mais je sais que les Français n’ont pas eu ce sentiment. Je n’oppose pas les vrais travailleurs et les faux, les salariés du public et du privé. Nous sommes tous français.»

Retombant sur ses pattes, Sarkozy reprend une formule rodée dans ses meetings pour vanter son bilan : «Il n’y a jamais eu de violence pendant les cinq années du quinquennat. […] La France a avancé dans un mouvement de réforme continue. Il y a ceux qui parlent de rassemblement, et ceux qui l’ont fait vivre.»

«Pas eu de violence, heureusement !» cingle Hollande profitant de l’instant pour un hommage appuyé «aux syndicats» et à ces «corps intermédiaires» que Sarkozy n’a eu de cesse de fustiger durant la campagne. «Heureusement qu’il y a eu des partenaires sociaux, des interlocuteurs», martèle-t-il avant de ramener encore une fois le sortant à son bilan : «Vous avez assumé des réformes, mais à quel prix pour les Français ?»

«Faux». Après ces passes d’armes, on entre dans le cœur du débat avec le chômage. Hollande avait prévenu qu’il attaquerait sur cette promesse de campagne de Sarkozy en 2007. A 10% de la population active, «c’est un record. Vous aviez dit que si le chômage ne tombait pas à 5% ce serait un échec. C’est un échec». Le socialiste avance le chiffre de 700 000 sans-emploi supplémentaires en cinq ans. «Les chiffres que vous donnez sont faux, M. Hollande», riposte le chef de l’Etat. Le candidat UMP ne se «glorifie pas d’une augmentation de 18%», mais souligne que c’est «deux fois moins» que la moyenne européenne. Il garde la parole pour défendre son projet de TVA sociale, «pour éviter le cancer des délocalisations». Une taxe que Hollande supprimera s’il l’emporte. Sarkozy se fait le plaisir de rappeler que l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder l’avait mise en œuvre. «L’Allemagne, que vous donnez en exemple pour m’accabler, fait le contraire de ce que vous proposez, lâche le candidat UMP. C’est un argument qui se retourne violemment contre vous.» Hollande renvoie la flèche. «Vos comparaisons avec l’Allemagne sont impitoyables» : «Est-ce que je dois vous rappeler, Nicolas Sarkozy, que vous êtes au pouvoir depuis dix ans ?» Puis, railleur :«Avec vous, c’est toujours la faute des autres. Très simplement, ce n’est jamais de votre faute. Vous trouvez toujours des boucs émissaires.»

 

Aucun espace. Sarkozy tente de reprendre l’avantage, faisant sortir de ses gonds son rival, en reparlant de «mensonge», lui qui assure, dans ses meetings, «mener une campagne en vérité». «En tentant de démontrer l’indémontrable vous mentez !» Réplique de Hollande : «Ah, ça vous reprend ! A force de l’exprimer, cela me fait que penser que vous avez une propension à commettre ce que vous reprochez aux autres !» Et d’enfoncer le clou : «En fait, vous n’avez jamais tort, vous avez toujours raison !» Vient enfin le morceau de choix pour le socialiste : la dénonciation de Sarkozy en président des riches plombé par son «bouclier fiscal». «Vous avez été capable de permettre que les plus fortunés des contribuables reçoivent un chèque du Trésor public. Je ne vais pas énumérer les plus fortunés qui sont vos proches…» «De qui parlez-vous ?» interrompt un Sarkozy tendu. «De qui vous savez», s’amuse Hollande avant de lâcher : «Mme Bettencourt.» Immédiatement, Sarkozy voit rouge et lui renvoie tous les patrons milliardaires à sensibilité de gauche «M. Perdriel, [patron du Nouvel Observateur], M. Lévy [patron de Publicis] et Matthieu Pigasse [dirigeant de la banque Lazard et co-actionnaire du Monde] «Moi, ce que je recommande, rétorque le socialiste, c’est que les plus grandes fortunes fassent des chèques au Trésor public.» L’échange se poursuivra : «Il y a une différence [entre nous], vous voulez moins de riches, et moi je veux moins de pauvres…» Hollande l’interrompt : «Il y a à la fois plus de pauvres et les riches sont plus riches !» Fidèle à sa stratégie, le socialiste ne laisse aucun espace à son rival.

22 h 45, Sarkozy aborde le cœur de sa campagne : l’immigration et les «pressions communautaristes». Tout y passe, la viande halal, les burqas… Il emmène son rival sur les centres de rétention. Lui fait dire qu’il faudra les maintenir. «Pourquoi écrivez-vous le contraire», triomphe-t-il, exhibant une lettre dans laquelle Hollande déclare que ces centres «doivent devenir l’exception». Sur le droit de vote des étrangers, Hollande n’oublie pas de rappeler que le candidat UMP y était «intellectuellement favorable». Comme pour rassurer les électeurs sensibles à ces questions, il précise que cette réforme ne pourra se faire qu’à condition de réunir une majorité des 3/5e des parlementaires. Il va jusqu’à ouvrir la porte à un référendum : «Ce sera au peuple de décider.» Un échange sur le nucléaire et le sortant, en difficulté, sort l’arme attendue avec une allusion à Strauss-Kahn : «Je ne prendrai pas de leçon d’un parti politique qui a voulu se retrouver avec enthousiasme derrière DSK.» Trop tard. Juste avant, le socialiste s’est lancé dans un morceau de bravoure sur le style présidentiel. Bras croisés, il égrène tranquillement ses mesures institutionnelles. Scande une dizaine de fois : «Moi, président de la République…» donnant l’impression qu’il est seul sur le plateau. Déjà sans Sarkozy.

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Le débat : revue de presse………………………(03/05/2012)

Débat présidentiel : pour la presse, Hollande s’est présidentialisé

Créé le 03-05-2012 à 05h59 – Mis à jour à 09h31 2 réactions

Le Nouvel Observateur avec AFP

Le débat tendu entre Sarkozy et Hollande ne devrait cependant pas « créer de séisme électoral » à quatre jours du second tour.

François Hollande lors du débat télévisé avec Nicolas Sarkozy, le 2 mai. (Sipa)

François Hollande lors du débat télévisé avec Nicolas Sarkozy, le 2 mai.

Pour la plupart des éditorialistes jeudi 3 mai, le seul débat entre les deux candidats avant le second tour « ne devrait pas provoquer de séisme électoral », le favori des sondages François Hollande ayant de plus « marqué des points » quant à sa stature présidentielle.

Dans  »L’Est Républicain« , Rémi Godeau estime que « ce rendez-vous qualifié de crucial, ne devrait pas provoquer de séisme électoral ».

Philippe Waucampt (« Le Républicain Lorrain« ) a assisté à « un beau combat qui ne modifiera pas vraiment le rapport des forces dimanche », et note que « François Hollande, dans le comportement et l’attitude, a été le plus présidentiel des deux, jouant en quelque sorte le coucou du nid sarkozien ».

François Hollande « avait pour objet de montrer qu’il était capable d’avoir une stature présidentielle ; il a sur ce terrain marqué des points », affirme Patrick Pépin dans « Nord Eclair« .

Hollande « a marqué des points »

Nicolas Demorand de « Libération » fait partie de ceux estimant que « la dynamique propre du débat aura permis d’éviter la juxtaposition des langues de bois, le choc des slogans creux. Et, à ce jeu-là, François Hollande a marqué bien des points ».

Si le débat ne change rien, Daniel Ruiz (« La Montagne« ) pense que « s’il est un point sur lequel les lignes ont sans doute bougé, c’est sur l’image d’un François Hollande ‘taille patron’ ».

« Sur la forme, cela ressemblait fort à un match nul, Hollande ayant un vrai talent dialecticien. Sur le fond, c’est une autre affaire. Au total, cela ressemblait néanmoins à un dialogue de sourds ayant peu de chances de faire bouger les lignes », observe Hubert Coudurier du « Télégramme« .

« Deux candidats de haut niveau »

« Aucun des deux candidats ne s’est effondré et chacun est resté dans son positionnement idéologique », constate de son côté Patrice Chabanet (« Journal de la Haute-Marne« ).

Francis Brochet du « Progrès » a vu « un débat de crise, entre deux candidats de haut niveau. »

Dans « Ouest-France« , Michel Urvoy pense « ce débat aura pour principal effet d’ancrer les convaincus dans leur certitude ».

Certains tels Jean-Claude Souléry (« La Dépêche du Midi« ) jugent que « François Hollande l’a emporté ». « En jouant la défensive – ce qui n’est pas son fort – le candidat sortant semblait déjà sorti. On verra dimanche. Mais, hier soir, il a perdu », conclut-il.

« le Figaro » croit encore à la victoire de Sarkozy

Seul « Le Figaro » sous la plume de Paul-Henri du Limbert croit encore la victoire du candidat-président : « Tous les dirigeants qui, en Europe, depuis 2008, ont dû affronter un scrutin majeur se sont retrouvés dans cette position. Et tous ont perdu. Mais ils n’avaient pas face à eux François Hollande, son langage daté et sa gauche disparate. »

François Martin du « Midi Libre » sait comment « les Français, sans doute confortés dans leurs convictions, trancheront à leur manière le débat ». « Dimanche. Dans les urnes. »


Le Nouvel Observateur avec AFP

Le débat : revue de presse...........................(03/05/2012) dans Médias

Une étude de Jean Daniel…………………….(02/05/2012)

Le peuple, disent-ils…

Créé le 02-05-2012 à 18h23 - Mis à jour à 21h00 1 réaction

Jean Daniel

Que pourra faire François Hollande, s’il est élu, pour que les bouleversements de notre société ne profitent pas à la droite.

Qu’est-ce qu’un peuple ? Qui sommes-nous ? Surtout, que sommes-nous devenus ? Pour gagner nos suffrages, comment faut-il nous parler ? A cette brûlante question, aucun des candidats n’a su vraiment apporter une réponse avant le premier tour. Mais parmi ceux qui ont commis des erreurs, il en est un qui me touche plus que les autres.

Je trouve étrange, sinon choquant, qu’au vu du faible score obtenu par Jean-Luc Mélenchon, ceux qui avaient applaudi son surgissement inattendu dans la campagne n’éprouvent pas le besoin de faire un élégant mea culpa. Car pratiquement tous, à gauche, avaient salué ce fameux   »retour au peuple » qu’ils étaient supposés attendre. Le scandale des faillites financières, les honteux profits qu’en ont tirés ceux qui les avaient provoqués, la confusion nouvelle entre le capitalisme financier et la social-démocratie, tout cela avait servi à échafauder une théorie d’un simplisme dogmatique et d’une résonnance populiste.

Le profond mécontentement populaire ayant enfin trouvé son héraut, on voyait réapparaître les chants et les drapeaux de la révolution. Nous avons tous plus ou moins salué ce mouvement festif – et à nos yeux justifié – qui remplaçait l’impuissance devant les grandes crises par l’espérance. Enfin, le peuple renaissait, s’exprimait et rappelait qu’en définitive, c’était à lui que devait revenir le dernier mot. Pour ma part, je le concède, je me suis laissé entraîner, comme bien d’autres, dans la chaleur del’illusion.

Une stimulation du « peuple » pour aiguillonner le pouvoir

Alors ce qui m’a le plus sonné, ce 22 avril, au sens que les boxeurs donnent à ce mot, c’est qu’il a bien fallu constater que le peuple qui avait voté n’était pas celui que l’on croyait : les résultats faisaient apparaître qu’une large proportion des ouvriers français se sentent mieux exprimés par l’extrême droite que par l’extrême gauche. Si vous vous promenez dans la rue, il y a une chance sur cinq pour que vous croisiez un partisan de Marine Le Pen.

Dieu sait que l’on a entendu des professeurs, des procureurs, des sociologues des « profondeurs » et des historiens parler au nom d’un peuple qu’ils étaient supposés connaître, pour dénoncer les « élites », la « gauche caviar », les attardés de l’État providence et, finalement, tous les conservateurs du social-libéralisme. Il y avait beaucoup de vrai dans ce brillant réquisitoire, et l’on imagine comment il eût été applaudi si les électeurs de Mélenchon avaient été assez nombreux pour qu’on pût parler d’un retour du « prolétariat ».

J’avais redouté, certes, qu’une extrême gauche trop forte ne parsème d’embûches l’exercice par François Hollande de ses terribles responsabilités. Mais il ne me déplaisait pas, au fond de moi-même, qu’une stimulation venue de ce que l’on appelait autrefois « le peuple » ou « la classe ouvrière » ne laisse pas en repos les nouveaux détenteurs du pouvoir. Je continue d’ailleurs de croire que cet aiguillon peut rester présent, même s’il ne peut plus venir du seul « prolétariat ».

« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Je veux d’ailleurs revenir sur ce mot que la révolution industrielle britannique a fait naître au XIXe siècle et qui a suscité tant de pamphlets, de romans, de films et un grand livre de la philosophe Simone Weil,  »la Condition ouvrière » (Gallimard, 1951). N’oublions pas le mot d’ordre de Marx et de Engels : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » C’est qu’ils étaient déjà unis, à l’époque, par une même condition qui rendait leur solidarité évidente et profonde.

Ce n’est plus le cas dans notre société éclatée d’aujourd’hui, où les différentes catégories de travailleurs n’ont plus les mêmes revendications. Tous les   »indignés » ne veulent pas le même changement. Auparavant, on réclamait le pain, la paix, la liberté, les congés payés et la protection sociale, la lutte contre la pénibilité du travail, la responsabilité des syndicats, pour mettre fin à une trop dure « condition ouvrière ».

Aujourd’hui, il y a dans l’électorat de Marine Le Pen des ouvriers partisans du rétablissement de la peine de mort, de l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse, et qui sont hostiles à la parité et aux familles monoparentales, bref, à beaucoup de ce qui constitue désormais notre société.

Marine Le Pen a compris qu’il fallait renier son père…

Sur ce point précis, un ami me signale une tribune de Jean-Pierre Le Goff dans « le Monde », qui exprime des idées très proches de celles que je défends depuis des années (1). Le peuple, selon lui, n’est plus la nation. Il ne cesse de changer. Prenons l’exemple de l’antisémitisme. Jean-Marie Le Pen exprimait des relents d’une vieille droite antidreyfusarde, maurassienne et surtout vichyste. Mais dans à peu près toute la population française, les révélations sur les crimes du nazisme ont rendu très impopulaire toute espèce d’antisémitisme.

Marine Le Pen a compris qu’il fallait renier son père sur ce plan, surtout à un moment où l’islamophobie devenait de plus en plus rentable. D’où son virage vers une dénonciation systématique des dangers que l’immigration fait courir à la France. Nicolas Sarkozy lui a aussitôt emboité le pas en faisant, notamment, de la diminution de moitié du nombre des nouveaux immigrants l’un de ses principaux objectifs. C’est une question terriblement délicate car, personnellement, je n’exclue pas que ses nouvelles positions ne puissent augmenter ses chances de combler, le 6 mai, son retard sur François Hollande.

 

(1) Comment être Français, Les Belles Lettres, 2012.

Jean Daniel

Une étude de Jean Daniel.........................(02/05/2012) dans Politique

Tel qu’en lui-même……………………..(02/05/2012)

De Jean-Marie à Marine, le retour aux sources lepénistes de Longuet

Créé le 01-05-2012 à 23h54 – Mis à jour le 02-05-2012 à 09h43 44 réactions

Renaud Dély

Le ministre de la Défense, auteur du premier programme économique du FN en 1973, a longtemps milité à l’extrême droite. En invitant l’UMP à se rapprocher de Marine Le Pen, il ne fait que renouer avec ses amours de jeunesse.

 

 

Gérard Longuet, forcément. Si un poids lourd de l’UMP devait succomber aux appels du pied de Marine Le Pen, et lui délivrer le brevet de respectabilité qu’elle espérait tant, c’était forcément au ministre de la Défense que ce rôle peu glorieux devait échoir. Comme un retour aux sources…

Dans l’hebdomadaire d’extrême droite « Minute », Gérard Longuet déclare donc : « Nous n’aurons pas, avec elle [Marine Le Pen, NDLR], de Durafour crématoire et autre ‘détail’. Tant mieux, car il sera désormais possible de parler de sujets difficiles avec un interlocuteur qui n’est pas bienveillant, mais qui, au moins, n’est pas disqualifié ».

Au moins les choses sont-elles de plus en plus claires. La présidente du Front national n’est pas encore tout à fait une alliée. Elle est déjà un « interlocuteur » digne, parfaitement fréquentable, et avec lequel on peut « discuter ». En attendant mieux…

L’entente n’est pas encore cordiale, mais les préliminaires sont encourageants. Il faut dire que ces jours-ci, Nicolas Sarkozy paye de sa personne. Alors demain, qui sait, l’accord avec le Front national sera envisageable puisque le combat de l’extrême droite est désormais « compatible avec la République » comme l’expliquait la semaine dernière le président-candidat lui-même.

« Marine et Nicolas, ensemble, tout leur deviendra possible » pourrait-on oser pour parodier le slogan de campagne de Sarkozy en 2007 ?

De la droite « décomplexée » à la droite « déboutonnée »

L’union de « toutes les droites », des démocrates-chrétiens aux lepénistes, des gaullistes à l’extrême-droite la plus rance, le maurrassien Patrick Buisson en rêvait, Gérard Longuet en pose la première pierre.

On sait que le premier, nostalgique de l’œuvre du Maréchal, a pris en mains la campagne de Nicolas Sarkozy jusqu’à « gouroutiser » le candidat UMP pour lui dicter un discours exaltant le « vrai travail » opposé au « corporatisme » de syndicats « nuisibles » invités à « déposer le drapeau rouge », les « racines chrétiennes » d’une France menacée par une fantasmatique invasion islamiste, ou encore en appeler à ceux qui « aiment vraiment la France » par opposition au camp de « l’anti-France » regroupé sous la bannière « multiculturaliste » de François Hollande.

Au vu de son pedigree, Gérard Longuet apparaît, lui, comme le parfait homme de main à même de mettre en oeuvre la première étape du rapprochement avec l’extrême-droite. En 2007, Nicolas Sarkozy promettait l’avènement d’une « droite décomplexée ». Cinq ans plus tard, Gérard Longuet est une sorte de pionnier de la « droite déboutonnée », sans pudeur, ni tabous.

Car le ministre de la Défense n’est pas du genre à rechigner lorsqu’il s’agit de mettre les mains dans le cambouis des alliances nauséabondes : son passé plaide pour lui. Rien d’étonnant à ce qu’il fasse ainsi sauter dans « Minute » une de ces digues républicaines supplémentaires dont Dominique de Villepin s’affolait la semaine dernière de les voir tomber une à une.

Il suffit de se pencher un instant sur son parcours. Si l’histoire est un éternel recommencement, Gérard Longuet doit vivre comme une seconde jeunesse depuis que son candidat, Nicolas Sarkozy, s’est engagé dans une virulente croisade hostile aux immigrés au lendemain du premier tour de la présidentielle.

Longuet rédigea le programme du FN en 1973

En 1964, le jeune Longuet, tout juste 18 ans à l’époque, fut l’un des fondateurs du mouvement Occident, groupuscule étudiant musclé plus à son aise dans l’usage de la barre à mine que dans la dispute idéologique. En 1967, arrêté à l’occasion d’une de ces escapades particulièrement sanglantes, Longuet est d’ailleurs condamné pour « violences et voies de fait avec armes et préméditation » pour avoir participé à une descente sur le campus de l’université de Rouen à l’issue de laquelle un étudiant de gauche avait été laissé dans le coma.

Une fois Occident dissous en conseil des ministres, en juin 1968, Gérard Longuet poursuit ses classes brunes au sein d’Ordre Nouveau, un autre groupuscule d’extrême-droite guère plus pacifique. Emmenés par Alain Robert, les nervis d’Ordre Nouveau constituent en octobre 1972 le noyau fondateur, et dirigeant, du Front national. Le toujours jeune et fringant Longuet, 26 ans, n’a alors qu’un reproche à faire au nouveau président du FN, un certain Jean-Marie Le Pen : il le trouve un rien « mollasson ». A ses yeux, Le Pen est suspect de faire preuve d’une tendresse coupable à l’endroit de la « République corrompue » et d’un système parlementaire qu’il juge vermoulu. Longuet réussit toutefois à se faire adopter par Le Pen.

C’est un familier de la villa Poirier, l’appartement des Le Pen situé dans le XVe arrondissement de Paris qui sera soufflé par un attentat en 1976. Longuet pèse tellement dans l’appareil fantomatique du FN que c’est lui, tout juste sorti de l’ENA en 1973, qui va être l’un des principaux rédacteurs du premier programme économique du Front national. Dans le minuscule parti d’extrême droite, les cadres efficaces et les technocrates brillants sont rarissimes.

Longuet prend donc la plume pour pondre une brochure de 31 pages qui s’intitule « Défendre les Français ». De longs passages sont consacrés à la famille, à la jeunesse, « gagnée par la pourriture, le gauchisme, le hippysme, la drogue, le conformisme et l’apolitisme ». Le texte fustige également avec virulence « les tentatives de politisations générales conduites dans les lieux d’enseignement comme dans les entreprises ou les services communaux ». Enfin, le programme réclame une amnistie totale pour les anciens terroristes de l’OAS, dont la geste meurtrière a toujours fasciné Longuet.

« Longuet, paye ta cotise ! »

Adolescent, le petit Gérard était farouchement attaché à la défense de l’Empire colonial français. Cultivant une veine héritée du combat poujadiste, la brochure défend également les PME, les petits commerçants, les libertés syndicales ou encore la « neutralité de l’ORTF ». Enfin, à propos de l’immigration, « le FN exige que soit mis fin aux politiques absurdes qui tolèrent une immigration sauvage dans des conditions matérielles et morales désastreuses pour les intéressés et déshonorantes pour notre pays ».

Toutefois, si les convictions sont inébranlables, chevillées au corps, l’ambition n’est pas moins présente. Le jeune énarque a soif de pouvoir. Il rêve de devenir vite député, puis ministre et a conscience de perdre son temps à l’extrême-droite. Gérard Longuet ne tarde donc pas à se recycler au Parti Républicain (PR) dès le milieu des années 1970. Sans perdre tout-à-fait des idées qui seront plus d’une fois à l’origine de rechutes, en particulier sur l’immigration.

Il n’empêche qu’à l’extrême-droite, Longuet, qui était à l’orée des années 1970, l’un des plus prometteurs rejetons de Le Pen, passe pour un traître. Un renégat qui aura vendu des convictions d’airain pour une carrière de notable repu. Si bien que lorsque Longuet devint ministre du gouvernement Chirac, en 1986, puis du gouvernement Balladur en 1993, on se mit à entendre fréquemment dans les cortèges du Front national de jeunes insolents scander à son adresse : « Longuet, paye ta cotise ! »

En se tournant résolument vers Marine Le Pen, il semble bien que Gérard Longuet ait décidé de payer ses arriérés et de se mettre à jour.

Renaud Dély

Par

NouvelObs.fr

Tel qu'en lui-même..........................(02/05/2012) dans LA VIE EN SARKOZYE

La lettre de Ségolène………………………..(02/05/2012)

à moi
La lettre de Ségolène.............................(02/05/2012) dans Politique cleardot

bandeauNL dans PRESIDENTIELLES 2012

 

A quel type de confrontation faut-il s’attendre ce soir ?

SEGOLENE ROYAL. M.Sarkozy l’a dit lui-même : il n’a rien à perdre. Il a même osé affirmer qu’il allait «exploser» François Hollande. Il se croit dans une bagarre de rue ?  J’en déduis qu’il conçoit ce rendez-vous comme un match de boxe, alors que Francois Hollande s’adresse a l’intelligence des citoyens. Sarkozy va chercher à esquiver son bilan catastrophique en mettant tout sur le dos de la crise: en 2007 déjà, il  avait fait le coup se présentant comme un homme neuf alors qu’il était au gouvernement depuis cinq ans. Enfin, Sarkozy utilise comme d’habitude les techniques des prétoires comme par exemple citer en les déformant des phrases des proches de Francois Hollande pour le dénigrer sans en avoir l’air. Mais la ficelle est devenue grosse comme un câble.
François Hollande, favori des sondages, n’est-il pas contraint à une certaine retenue ?

Il a la responsabilité d’incarner le prochain président de la République. Il est donc dans une attitude qui correspond à ce dont la France a besoin. Il y a d’un côté celui qui pendant toute cette campagne est resté calme, fort, serein et de l’autre un candidat au pied du mur qui est dans une tension, une agressivité, des annonces quotidiennes farfelues et des affaires qui l’encerclent.
La pugnacité de Sarkozy est-elle à craindre ?

Non car François Hollande est très pugnace. Et ce qui fait sa supériorité c’est qu’il l’est, non pas pour lui-même, mais pour les millions de Français qui mettent en lui l’espoir immense de changement.
Doit-il prendre des coups sans broncher ?

Tout dépend de la nature des coups : comme Francois Hollande l’a fait de façon très efficace depuis un an dans ses interventions, toute affirmation mensongère de Nicolas Sarkozy est rectifiée sur le champ.  La capacité de réplique de François Hollande n’est plus à démontrer. Il est porté par l’avenir de notre jeunesse et l’attente pressante de justice et d’efficacité pour le pays.
Son sens de la dérision est-il un avantage ?

Bien sûr! Le débat n’est pas un spectacle mais l’humour décapant est un talent que François possède comme l’avait  François Mitterrand.
Faut-il se coucher tôt ?

Ce qu’il faut c’est être prêt . Et après ces longs mois de campagne notre candidat l’est parfaitement et connaît les thématiques de l’adversaire et ses angles d’attaques pour échapper à l’heure des comptes sur ses promesses mensongères.
Ce débat peut-il avoir une influence sur le vote de dimanche ?

En général, le débat consolide les électorats dans leur choix. Chacun est renforcé dans sa préférence. Cela peut agir sur les indécis mais à la marge et vu les 5 ans écoulés, les indécis viendront vers celui qui porte le changement, le respect, la justice et l’ouverture de nouveaux possibles.
Propos recueillis par Eric Hacquement.

 

 

 

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Sortez le sortant………………………(02/05/21012)

Les syndicats font sa fête au sortant

Le défilé syndical du 1er Mai, à Paris.

Le défilé syndical du 1er Mai, à Paris. (Photo Charles Platiau. Reuters)

Reportage Entre Denfert et Bastille hier, les manifestants étaient surtout mobilisés contre Nicolas Sarkozy.

Par Aurore Hennion et Luc Peillon

Mobilisés… par Sarkozy. Dans le cortège syndical à Paris, hier, nombre de manifestants avouent être venus à la suite des déclarations du chef de l’Etat, ces derniers jours, sur le «vrai travail». Plus de 50 000 personnes, qui ont défilé entre Denfert-Rochereau et Bastille – cinq fois plus qu’un 1er Mai normal -, bien décidées à faire contrepoids au rassemblement du président-candidat au Trocadéro (lire ci-contre).

Telle Françoise, 60 ans, fonctionnaire au rectorat de Paris, qui qualifie de «n’importe quoi» les propos du candidat UMP. «J’ai toujours fait mon travail, consciencieusement, depuis plus de quarante ans, sans même profiter des avantages des fonctionnaires.» Un silence, puis, comme éreintée : «Je n’en peux plus, je n’arrive plus à regarder la télévision, je ne supporte plus ce qu’il dit… J’ai hâte d’être dimanche.»

Casquette. Un peu plus loin, Pascal, 47 ans, dit assister à la deuxième Fête du travail de sa vie. La première, c’était en 2002, contre Jean-Marie Le Pen au second tour. Froidement, ce salarié d’une filiale de Veolia raconte avoir été «choqué» par le discours du Président sur le «vrai travail». «Le ton employé, la façon de le dire, l’arrogance du personnage…» Car, au-delà du clivage politique (il a voté Mélenchon au premier tour), «c’est l’individu qui pose problème». Sur la place Denfert-Rochereau, attendant que son groupe démarre, Patrick, 59 ans, fonctionnaire à Bercy et syndiqué CFDT, explique, lui, être révolté par la récupération du 1er Mai : «C’est grave, la façon dont le politique s’invite, de manière très agressive, dans cette journée.» Une «provocation grossière» du candidat de droite :«Je me devais de répondre.»Casquette de la Poste vissée sur la tête, Laurent, de son côté, estime «avoir donné sa part», question «vrai travail». Levé tous les matins à 5 heures depuis plus de vingt-trois ans, le facteur rappelle le sens du 1er Mai : «Nous exprimer, nous retrouver, être heureux, ensemble, pour une même cause, et non pas faire croire qu’il y a deux sortes de travailleurs pour mieux diviser.»

Florian, 24 ans, estime également que ce sont «les dernières provocations du Président qui ont ramené les manifestants». Et d’ajouter que «le débat n’est pas sur le « vrai travail », mais sur les droits des salariés, le chômage, le fait que les ouvriers et les cadres n’ont pas la même durée de vie». Pour cet étudiant, «le faux travailleur, c’est celui qui met son argent sur un compte et qui attend que ça lui rapporte». Françoise, 69 ans, retraitée qui «nettoyai[t] son balcon» a été «motivée» par le beau temps. «Je n’étais plus venue à un 1er Mai depuis des années mais, entre la météo et Sarko, ça m’a décidée.»

Appel. En tête de cortège, les leaders des cinq organisations à l’origine de la manifestation (CFDT, CGT, Unsa, FSU et Solidaires) affichent une mine réjouie. «Le Président a eu tort de défier les organisations syndicales, car la mobilisation est bonne, on est déjà 500 000 sur la France, hors région parisienne [1], confie Bernard Thibault (CGT) à Libération, au départ du défilé. Je pense même qu’il a plus mobilisé dans les rangs syndicaux, avec ses déclarations, qu’au Trocadéro.» Son appel à voter contre Sarkozy, voire pour Hollande ? «A la CGT, ça ne fait pas débat, c’est la conséquence de sa manière de gouverner, de sa façon de n’en faire qu’à sa tête.» A côté de lui, François Chérèque (CFDT) tient le discours inverse, récusant l’appel au vote d’un syndicat. «Chaque salarié est assez grand pour savoir ce qu’il doit voter.» Mais, sur le fond, la position est la même qu’à la CGT. «Il n’est pas normal que Nicolas Sarkozy utilise cette journée pour détourner le sens du 1er Mai. Il n’a pas le droit de diviser les gens entre vrais et faux travailleurs.» Et de prévenir : «Nous sommes forts, parce que nous sommes nombreux aujourd’hui… et nous le serons encore après les élections, quel que soit le vainqueur.» Sur la même ligne, Luc Bérille (Unsa), considère qu’«on ne résoudra par les problèmes de la France en opposant la démocratie représentative et la démocratie sociale». Et de mettre en garde : «Le prochain gouvernement, de toute façon, aura besoin de nous pour gouverner la France…»

(1) 750 000 sur toute la France selon la CGT, 316 000 selon la police.

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L’édito de Nicolas Demorand…………………….(02/05/2012)

Visions

Par NICOLAS DEMORAND Directeur de Libération

Ce sont ces deux visions de la France qui vont se rencontrer ce soir à la télévision, pour ce rituel qu’est le débat d’entre deux tours. Le risque est fort, dans cet exercice formaté à l’extrême, de n’assister qu’à la juxtaposition de deux monologues, au déroulé des programmes et des formules rodées, épicés de quelques passes d’armes qui feront la joie des deux camps et enrichiront les archives de l’INA. Chacun en sortira conforté, quelques indécis peut-être plus éclairés.

Les deux camps sont désormais comme taillés à la serpe. Il suffit de comparer les deux derniers clips de la campagne officielle du second tour pour en prendre la mesure. Souvent brocardés pour leur ringardise, ils méritent cette fois d’être regardés de près. Du côté de Nicolas Sarkozy, sur fond de musique anxiogène, l’image d’une France potentiellement envahie par l’étranger. Une parodie de mauvais reportage télé. Avec plans serrés sur des passeports en train d’être tamponnés. Sur des policiers fouillant des gens et des valises. Sur un panneau indiquant un poste de douane, notamment en langue arabe, pour ceux qui n’auraient pas compris d’où venait la menace. Message à peine subliminal : tous aux abris, derrière le premier flic de France ! Un poste qu’il occupe, au passage, depuis dix ans… Le spot de François Hollande tranche, ne serait-ce que par l’emploi d’un mot : «Avenir». Et par sa déclinaison, chantier par chantier, domaine par domaine, qui permettrait de construire un horizon commun. Contre les définitions fermées de la nation, contre le repli derrière des frontières qui, de fait, n’existent plus et n’existeront pas plus après le 6 mai, quel que soit le vainqueur.

La CFDT monte au créneau……………………..(01/05/2012)

Chérèque : «Le discours de Nicolas Sarkozy n’est plus supportable»

François Chérèque le 12 mai 2010

François Chérèque le 12 mai 2010 (Photo Lionel Bonaventure. AFP)

Interview François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, répond aux provocations du président-candidat.

Recueilli par Aurore Hennion et Luc Peillon

Cibles privilégiées de Nicolas Sarkozy, les confédérations syndicales ont du mal à cacher leur agacement. Si François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, n’appelle pas, comme son homologue de la CGT, à voter contre le président sortant, il se dit aujourd’hui «inquiet» pour la démocratie.

Le 1er mai tombe cette année entre les deux tours de la présidentielle. Appelez-vous à la mobilisation, alors que ce rendez-vous peut prendre une tournure très politique ?

Il y a deux mois encore, ce risque aurait pu nous faire hésiter. Mais, depuis les dernières provocations du chef de l’Etat sur le «vrai» travail, la mobilisation m’apparaît toute naturelle. Et la CFDT, avec ses partenaires de l’intersyndicale, appelle clairement les salariés à se retrouver pour ce 1er mai. C’est aussi l’occasion d’interpeller les deux finalistes de l’élection sur la question de l’emploi.

Le président-candidat n’aurait pas le droit d’organiser un rassemblement le 1er mai sur le thème du travail ?

Cette fête a pour origine, à la fin du XIXe siècle, une victoire syndicale aux Etats-Unis pour la journée de travail de 8 heures. Depuis, elle a été sacralisée, dans le monde entier, afin d’évoquer les revendications des travailleurs. Or, chaque fois qu’il y a eu dans l’histoire une mainmise du politique sur cette fête, c’était dans un contexte de dérive antidémocratique. Qu’il s’agisse des anciens pays du bloc communiste, avec une confusion entre les partis au pouvoir et les syndicats, où encore en France, sous l’Occupation. Ce n’est pas pour rien, d’ailleurs, que le Front national a fait du 1er mai sa journée symbolique. Le fait qu’un des deux finalistes à la présidentielle entre dans cette logique est donc une grande source d’inquiétude, pour la CFDT, sur l’évolution de notre démocratie.

Comment comprenez-vous la notion de «vrai travail» ?

Que certains, notamment les fonctionnaires, feraient un faux travail. Mais l’infirmière qui embauche à 21 heures et finit le lendemain à 7 heures, qui soigne aux urgences le SDF qui, lui, n’a pas d’emploi parce que la société n’est pas capable de lui en donner, qui s’occupe du fou qu’on lui demande d’enfermer, car la société ne veut plus le voir, cette femme-là, comme des millions de fonctionnaires, ne serait pas une vraie travailleuse ? Ce type de discours, qui pousse à la division, est devenu insupportable.

Le Président n’est pas tendre non plus avec les syndicats…

Depuis le début de la campagne, Nicolas Sarkozy a choisi de fustiger les organisations syndicales, qui seraient, selon lui, la cause de tous les maux de la société et un frein à la réforme de notre pays. Sous-entendu, «le responsable, ce n’est pas moi, mais eux». C’est oublier un peu vite les positions de la CFDT dans l’histoire récente. Notre organisation, rappelons-le, n’a jamais hésité à s’engager, à soutenir des mesures, quand nous estimions qu’elles étaient justes. Je pense à la réforme Juppé sur la protection sociale en 1995, ou encore à la réforme Fillon sur les retraites en 2003. Il y a également la volonté, en stigmatisant les organisations syndicales et leurs permanents, de récupérer des votes à l’extrême droite. Ce qui est, à notre avis, une faute morale, mais aussi une vraie erreur. La CFDT, ce n’est pas que des permanents, ce sont aussi des millions de salariés qui votent pour des militants syndicaux dans les entreprises et les administrations. Il s’agit d’une organisation de masse, avec une légitimité issue des élections professionnelles. Et, depuis le début de cette séquence antisyndicale, ce que nous entendons remonter du terrain, c’est un profond sentiment d’humiliation vécu par de nombreux militants et sympathisants.

Un sondage considère pourtant que 12% des proches de la CFDT ont voté pour Sarkozy au premier tour…

C’est donc bien qu’en insultant les dirigeants syndicaux il insulte aussi les sympathisants cédétistes qui ont voté pour lui. C’est un manque total de respect pour ses propres électeurs.

Il n’y a qu’en France, selon Sarkozy, que les syndicats font de la politique…

C’est méconnaître l’histoire sociale. Dans de nombreux pays, les syndicats sont liés à des partis politiques. En France, c’est l’inverse : la charte d’Amiens de 1906 a instauré l’indépendance du mouvement syndical par rapport au politique, même si, parfois, il y a eu des entorses. Quand on a été président de la République pendant cinq ans, on doit le savoir. A moins qu’il ne s’agisse encore d’une volonté de nuire.

Pensez-vous pouvoir retrouver une relation normale avec l’Elysée si Nicolas Sarkozy est réélu ?

Je n’ai pas souvenir d’une telle agressivité vis-à-vis des organisations syndicales, fondée qui plus est sur de faux constats. La confiance sera donc difficile à restaurer.

Appellerez-vous, comme la CGT, à battre le président sortant ?

Ce serait une erreur. Les travailleurs n’attendent pas des syndicats une consigne de vote. La CFDT est pour l’émancipation des salariés, ce n’est pas pour leur tenir la main dans l’isoloir. C’est aussi une façon de respecter la diversité des opinions. Par ailleurs, se retrouver, après le scrutin, face à un élu que l’on aurait appelé à sanctionner dans les urnes, c’est mettre le syndicalisme dans une situation difficile. C’est aussi se placer, dans le cas inverse, dans une position de soumission par rapport à l’élu que l’on aurait soutenu. La situation sociale à venir sera difficile ; quel que soit le futur président, la CFDT doit garder sa capacité d’action intacte.

Comment envisagez-vous la situation sociale après la présidentielle ?

Beaucoup d’équipes de terrain s’attendent à de nouveaux plans sociaux après les élections. En Franche-Comté, par exemple, le chômage partiel se situe au même niveau que pendant la crise de 2009. Le chômage ne cesse de progresser, la croissance s’annonce poussive et la question de l’endettement public n’est pas réglée : tout laisse à penser que les mois à venir seront difficiles, quel que soit le vainqueur du scrutin. Il n’y aura pas d’état de grâce.

Le président de la République a néanmoins prouvé qu’il était possible de sauver des entreprises…

Tant mieux pour les salariés qui en ont profité lors de la campagne électorale. Mais faire croire qu’un responsable politique a la possibilité, par un claquement de doigts, de sauver l’ensemble des entreprises en difficulté, c’est donner un faux espoir à des milliers d’autres salariés qui sont dans la même situation.

Quelles solutions, alors ?

Il faut aller vers une relance collective de l’économie au niveau européen. Car, si la maîtrise des finances publiques est nécessaire, l’austérité ne contribuera pas, en elle-même, à la croissance. Il faut donc mener une vraie politique d’investissement, de recherche, de formation qualifiante, et ne pas avoir peur d’un débat sur le coût du travail. Il faut également aborder très vite ce qui intéresse les salariés : l’emploi, le pouvoir d’achat, les conditions de travail.

Comment y parvenir ?

La méthode sera déterminante pour être efficace. La CFDT propose que, dès le mois de mai, on suive une démarche axée sur trois points. D’abord, définir les thèmes relevant exclusivement de la négociation entre partenaires sociaux : réforme des institutions représentatives du personnel, répartition de la valeur ajoutée, accords compétitivité-emploi, conditions de travail, sécurisation des parcours professionnels… Le tout avec un calendrier et une date butoir imposés par l’exécutif, afin d’éviter que certains, comme le Medef, jouent la montre pour les enliser. Ensuite, il s’agit de définir les sujets communs aux partenaires sociaux et au gouvernement, comme la protection sociale, la question des revenus (Smic, allégement de charges, coûts du logement…). Enfin, avec l’ensemble de la société civile, il faut organiser un Grenelle contre la pauvreté. Si on est en mesure d’établir cet agenda, il y a alors moyen de normaliser et de pacifier les relations sociales dans notre pays.

L’édito de Nicolas Demorand……………………..(05/05/2012)

Mur

Par Nicolas Demorand

Pour une fois, il y aura donc un défilé et une contre-manifestation. Pour le dire avec les mots sidérants de Nicolas Sarkozy en meeting hier, ceux qui défileront derrière le «drapeau rouge» et ceux qui agiteront l’autre, le vrai, le «bleu-blanc-rouge». Choisis ton camp citoyen, travailleur, chômeur, paisible passant, toi qui pensais faire partie du même peuple, de la même nation, toi qui croyais avoir la République en partage, la fraternité comme héritage et horizon ! Après l’apologie des frontières, c’est carrément le mur de Berlin qui se trouve reconstruit en catastrophe, en plein Paris, comme au bon vieux temps de la guerre froide, quand il fallait faire barrage aux rouges ! Pendant cinq ans, le débat public et l’actualité auront été hystérisés. Voilà désormais l’histoire de France transformée, dans une ultime tentative de division et de diversion, en ligne à basse tension. Mais est-il si difficile de parler d’avenir pour se réfugier ainsi dans le passé ? Cultiver de la sorte, avec un soin maniaque, l’histoire antiquaire ? Tenter, sans succès tant les ficelles sont grosses et les querelles déjà tranchées par le cours serein du temps, de réactiver des clivages qui n’intéressent personne à part quelque conseiller extrême droitier du président-candidat ? Démarrée dans l’improvisation la plus totale, poursuivie sans aucune ligne ni proposition crédible ou même audible, la campagne se termine dans un grand bazar de mots, de symboles, de transgressions désespérées. Spectacle effrayant, a dit l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin.

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