Macron n’a pas d’enfant, lui……………….(11/02/2020)
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Congé de deuil après la mort d’un enfant : « On n’arrête jamais de le pleurer », témoignent des parents | |
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Vingt ans après les 35 heures, la semaine de quatre jours est-elle la prochaine étape ? | |
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Réforme des retraites : les femmes toujours plus perdantes
En France comme dans la plupart des pays, la tendance des réformes de retraite depuis les années 90 est au renforcement progressif de la contributivité du système, c’est-à-dire au resserrement du lien entre la somme des pensions perçues par une personne pendant sa retraite, et la somme actualisée des cotisations versées au cours de sa carrière (qu’on pense, par exemple, au passage des dix aux vingt-cinq meilleures années de salaire pour calculer la pension). Cette tendance s’accompagne d’une baisse de la part dans la pension des dispositifs de solidarité (minima de pension, droits familiaux liés aux enfants, etc.) attribués gratuitement, c’est-à-dire sans contrepartie de cotisations. Ces dispositifs constituent le socle de la redistribution en faveur des personnes qui n’ont que peu de droits directs à la retraite, car elles n’ont pas eu une activité professionnelle suffisante du fait qu’elles ont élevé des enfants, connu des périodes de temps partiel ou de chômage, de précarité, eu de faibles salaires, etc. Les femmes sont les bénéficiaires principales de ces dispositifs. Tout renforcement du lien entre pensions et carrières professionnelles les pénalise donc plus fortement, comme l’ont déjà montré les réformes passées. Or aujourd’hui, ce qui est à l’étude est un système de retraites par points basé sur une logique purement contributive.
Dans un régime par points, on accumule des points en cotisant tout au long de sa vie active. Au moment de la retraite, les points sont convertis en pension. Les paramètres sont calculés chaque année de manière à équilibrer les finances des caisses, il n’y a pas de taux de remplacement (rapport entre la pension et le salaire) fixé à l’avance, pas de visibilité sur sa future pension. L’exemple des régimes par points Agirc et Arrco n’est pas enviable : entre 1990 et 2009, le taux de remplacement a baissé de plus de 30% dans chacun d’eux. Malgré la présence de quelques droits familiaux, la pension des femmes ne représente que 60% (Arrco) et 40% (Agirc) de celle des hommes, contre 75% sur l’ensemble des régimes.
Le document du Haut Commissariat à la réforme des retraites affiche l’objectif de «proportionnalité entre les cotisations versées et les pensions versées». Le haut-commissaire, Jean-Paul Delevoye, ayant déclaré qu’«il n’y aura pas de points gratuits», la pension dépendrait uniquement des cotisations versées, donc de la somme des rémunérations tout au long de la vie, ce qui sera très défavorable aux femmes… tant que dureront les inégalités de salaires, de carrières et de partage des tâches parentales entre les femmes et les hommes (qu’il reste indispensable de réduire par des mesures volontaristes). Selon une simulation réalisée avec le modèle Destinie de l’Insee sur les générations nées entre 1950 et 1960, la somme des salaires perçus au cours de sa carrière par une femme ne représenterait en moyenne que 58% de celle d’un homme. Le ratio serait alors le même pour les pensions !
Jean-Paul Delevoye a assuré que la réforme «maintiendra et consolidera les solidarités». Mais puisqu’il n’y a pas de points gratuits, que deviennent les droits familiaux, la réversion, les minima de pension, etc. ? Le document indique qu’il faut «redéfinir leurs objectifs et clarifier la nature de leur financement». Ne relèvent-ils pas plutôt de la solidarité nationale via l’impôt ? demande M. Delevoye. La question préfigure la réponse, en phase avec la logique libérale.
L’évolution des retraites vers un système essentiellement contributif répond en effet à la doxa libérale qui promeut l’idée que chacun·e doit «récupérer sa mise» au moment de sa pension comme s’il s’agissait d’une épargne, avec l’illusion que l’on arbitrera soi-même le moment de partir en retraite en fonction de son nombre de points. Dans cette optique, la retraite n’a plus à assurer de solidarités puisque chacun·e est libre de décider du niveau de sa pension. Les solidarités qui resteraient nécessaires relèveraient de la responsabilité de l’État et donc de l’impôt. Dans le contexte de recherche tous azimuts de baisses de dépenses publiques et d’aides sociales, il y a là un risque majeur de régression !
Le système actuel par annuités a certes des défauts, notamment en ce qui concerne les femmes. Car il ne fait pas que répercuter sur les pensions les inégalités entre les sexes qui existent sur le marché du travail, il les amplifie : les salaires féminins, tous temps de travail confondus, valent en moyenne 74,3% des salaires masculins (2014), mais les pensions de droit direct des femmes (y compris majoration pour enfants) ne représentent que 60% de celles des hommes. Le calcul de la pension de droit direct se base en effet sur deux paramètres, le salaire moyen et la durée de carrière, qui chacun défavorise les femmes du fait de carrières insuffisantes et de salaires plus faibles. Ce calcul accentue l’inégalité et discrimine les femmes. Avant de demander, comme le fait le document de travail : «La retraite doit-elle compenser les inégalités de carrière entre les femmes et les hommes ?» il serait bienvenu de garantir qu’elle ne les augmente pas !
La bonne stratégie ne consiste pas à augmenter les droits familiaux pour les femmes, car s’ils restent indispensables pour atténuer les inégalités de pension, ils sont à double tranchant parce qu’ils enferment les femmes dans le rôle de mère. La logique à mettre en œuvre vise à augmenter leurs droits directs à pension : notamment modifier le calcul de manière à renforcer le lien entre pension et meilleurs salaires (exemple : calculer le salaire moyen sur les n meilleures années, n étant défini relativement à la durée de carrière effectuée, 25% par exemple. Pour une carrière de vingt années, calcul sur les cinq meilleures) ; réduire la durée de cotisation exigée à une durée réalisable. C’est-à-dire une direction opposée aux réformes passées et plus encore à celle projetée.
Christiane Marty est coauteure de Retraites, l’alternative cachée, Syllepse 2013.
Liberation.fr
POLITIQUE – C’est une promesse qui était rapidement mise en avant dans le programme d’Emmanuel Macron. Sur la petite centaine de propositions concrètes, elle apparaissait en quatrième position dans la première priorité du candidat En marche intitulée « bien vivre de son travail et inventer de nouvelles protections ». Il promettait alors un droit nouveau pour les salariés démissionnaires.
« Nous ouvrirons les droits à l’assurance-chômage aux salariés qui démissionnent », pouvait-on lire page 7. Sur son site de campagne, il était aussitôt précisé quelques petites conditions. « Tous les cinq ans, chacun y aura droit, s’il choisit de démissionner pour changer d’activité ou développer son propre projet professionnel », ajoutait l’ancien ministre de l’Economie.
Un peu plus d’un an après son accession à l’Elysée, l’heure est venue d’appliquer ce qu’Emmanuel Macron présentait comme une assurance-chômage universelle. C’est l’un des enjeux du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel que l’Assemblée nationale commence à examiner ce lundi. Porté par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, il est souvent présenté comme le deuxième volet plus social et plus protecteur de la réforme du marché du travail après les ordonnances de l’année 2017 qui l’ont libéralisé.
Plusieurs milliards d’euros par an
Sauf qu’entre la promesse du candidat Macron et la mise en oeuvre du président Macron, il y a un monde qui sépare les deux idées. « C’est une réformette », balaye Pascal Pavageau, nouveau leader de Force ouvrière. Même la ministre le sous-entend. Alors qu’on évoque un million de démissionnaires par an, la proposition ne concernera que 20.000 à 30.000 personnes chaque année.
« Ce texte instaure-t-il une assurance-chômage réellement universelle? Concernera-t-elle potentiellement des centaines de milliers d’indépendants et de démissionnaires? Pas vraiment », déplore Boris Vallaud, député socialiste des Landes.
La problématique financière est la cause véritable de ce rétropédalage, terme employé par l’opposition. Les partenaires sociaux qui se sont entendus pour tomber d’accord sur les conditions à remplir estiment qu’elle ne doit pas dépasser 180 millions d’euros par an. Autant dire qu’une généralisation à un million de demandeurs d’emploi aurait coûté une somme insoutenable pour le régime d’assurance-chômage.
Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait évoqué un peu plus d’un milliard avant que l’Institut Montaigne (classé à droite) n’évoque 2,7 milliards. À l’automne 2017, citant des sources au ministère du Travail, Les Echos avaient carrément avancé le chiffre de 5 milliards en rythme de croisière et jusqu’à 14 milliards d’euros pour la première année sous l’effet d’une possible vague de départs massifs de salariés malheureux dans leur poste actuel.
Des règles drastiques
Pour réduire petit à petit la facture, le gouvernement avait demandé aux partenaires sociaux d’établir une série de conditions à remplir pour toucher les allocations chômage en cas de démission. Syndicats et patronat avaient abouti en février à une liste drastique.
Quant aux artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales et agriculteurs qui pouvaient eux aussi espérer obtenir un droit aux allocations chômage au regard de ce que promettait Emmanuel Macron, ils seront déçus. La loi prévoit « un droit de 800 euros par mois pendant six mois. Il sera destiné aux indépendants qui sont en liquidation judiciaire et qui avaient un bénéfice annuel autour de 10.000 euros », expliquait Muriel Pénicaud il y a quelques mois.
Le HuffPost
Des citoyens ont retracé le circuit très opaque de la dette de l’assurance-chômage française. Leur enquête montre que les détenteurs de cette créance, auxquels l’Unédic verse 400 millions d’euros d’intérêts par an, opèrent dans les paradis fiscaux.
Ce vendredi matin, au moment même où le Conseil des ministres se penche sur les réformes de la formation professionnelle, de l’apprentissage et du système d’indemnisation du chômage qui constituent le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » – un titre pour le moins décomplexé –, une quinzaine de membres du Groupe d’audit citoyen de la dette de l’assurance-chômage (Gacdac) rendent public un premier rapport sur la dette de l’Unédic. Ils dénoncent l’opacité du financement de l’organisme chargé de la gestion des cotisations de 16,5 millions de salariés, un « système-dette » volontairement mis en place par ses dirigeants avec le soutien de l’État et des investisseurs sur les marchés financiers, détenteurs de 35 milliards d’euros de titres de créances sur l’assurance-chômage. Des investisseurs dont certains flirtent avec les paradis fiscaux, et se trouvent en bonne place sur les listings des Panamas et Paradise Papers révélés dans la presse.
Où va l’argent de l’Unédic ? Quel est le niveau d’évasion fiscale tiré des cotisations des salariés et de la CSG, l’impôt payé par les salariés et les retraités pour financer une partie de la protection sociale ? Après plusieurs semaines d’enquête dans les méandres de la comptabilité et des opérations financières de l’Unédic, ce que les membres du Groupe d’audit citoyen de la dette de l’assurance-chômage (Gacdac) ont découvert les a laissés pantois. D’autant que plus d’un chômeur sur deux n’est pas indemnisé.
Si le montant de la dette du gestionnaire des allocations-chômage, estimée entre 34 et 37 milliards d’euros, n’a pas vraiment surpris les membres du Gacdac, la proximité de l’Unédic avec certains créanciers adeptes de l’optimisation, voire de l’évasion fiscales les a, en revanche, stupéfiés. « L’opacité du système ne nous a pas aidés. Nous ignorons précisément où sont les titres (de dette de l’Unédic), mais nous savons avec certitude que les entités qui les détiennent sont présentes dans les listings des Paradise ou Panama Papers (ces fichiers de comptes cachés dans les paradis fiscaux qui ont fuité dans la presse – NDLR). Sur cinquante investisseurs que j’ai réussi à repérer, la moitié est présente sur ces listes », révèle Louise Ferrand, qui a conduit les recherches documentaires pour le groupe d’audit.
Pour emprunter sur les marchés financiers, l’Unédic, via des banques dites « placeuses », émet des titres, des obligations, pour l’essentiel assez encadrés. Pour ses besoins de financement à court terme, elle recourt à des Euro Medium Term Notes (EMTN) imaginés aux États-Unis, des prêts très flexibles en taux, durée et peu réglementés, donc très prisés des « investisseurs », qui peuvent les échanger sans trop de contraintes. Pour ses affaires, l’Unédic fait appel à une vingtaine d’établissements financiers : les banques françaises BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, Bred et Natixis, les britanniques Barclays et HSBC, la suisse Crédit suisse, ou encore l’italienne Unicrédit, les allemandes Commerzbank AG, Nord/LB, Landesbank Baden-Württemberg, DZ Bank AG et Helaba, les américaines Citigroup et J.P. Morgan, la canadienne Scotiabank et la japonaise Daiwa Capital.
« Aucune de ces banques, quel que soit le montant des titres qu’elle achète, n’a à rougir puisqu’on estime qu’elles pratiquent toutes, avec plus ou moins de dextérité, l’évasion fiscale », notent les auteurs de l’audit, déçus de n’avoir pu présenter un tableau exhaustif des acteurs de la dette de l’assurance-chômage. Notamment ceux du marché dit secondaire, où se joue le gros de la partie, et qui, grâce à des réformes des Codes du commerce, monétaire et financier de 2002, bénéficient de véritables paravents qui garantissent leur anonymat.
Une fois acquis par les banques, les titres de l’Unédic sont en effet revendus sur un autre marché, le marché secondaire, en échange d’une commission, bien sûr, via une chambre de compensation, institution financière qui joue les intermédiaires dans les transactions en assurant leur bonne exécution. En l’occurrence, Euroclear, l’une des deux chambres européennes ; la seconde, Clearstream, avait défrayé la chronique dans les années 2000. Selon le Gacdac, l’Unédic verserait autour de 400 millions d’intérêts aux investisseurs sans les connaître vraiment, expliquait son directeur, Vincent Destival, auditionné par les sénateurs en 2015 : « Nous n’avons pas de suivi précis sur la manière dont notre dette est renégociée sur les marchés entre détenteurs primaires et des investisseurs intéressés. Nous savons à quel prix mais nous ignorons qui sont les vendeurs et les acheteurs. » L’un d’eux a pourtant été repéré par les auteurs du rapport : Sicav-Fis, adepte de l’optimisation fiscale. « En fouillant, je suis tombée sur ce fonds de compensation privé. Il a été créé pour gérer la réserve du régime général des pensions de retraite des Luxembourgeois. En 2016, il possédait pour 7,95 millions d’euros de titres de l’Unédic », précise Louise Ferrand.
Les citoyens auditeurs ont ainsi retracé le circuit d’une partie de la dette de l’assurance-chômage française passant par le Luxembourg : le Crédit suisse (sous le coup d’une enquête pour blanchiment aggravé, pour ne pas avoir déclaré des milliers de comptes au fisc français) gère pour Sicav-Fis un emprunt de 252 millions d’euros qu’il a lui-même placé avec HSBC (un champion des placements dans les paradis fiscaux, qui vient d’éviter un procès en versant 300 millions à l’État français pour compenser les impôts dus) sur le marché primaire pour le compte de l’Unédic. « Nous demandons que la clarté soit faite sur l’identité des créanciers. Nous voulons savoir où passe l’argent de la collectivité », explique Pascal Franchet, du Gacdac. Lui ne se fait pas d’illusions sur la réponse attendue à la longue liste de questions que les auditeurs posent, dans une lettre jointe à leur rapport, à la ministre du Travail, aux administrateurs et à la direction de l’Unédic. « Les dirigeants ont fait le choix du système-dette, de l’endettement pour financer l’assurance-chômage avec le soutien de l’État qui garantit les emprunts. Cet aval de l’État permet à l’Unédic d’obtenir des taux d’emprunt très bas auprès des banques. Mais, si les taux remontent, ce qui est probable, ce sera une catastrophe pour le système d’assurance-chômage », poursuit Pascal Franchet.
La dette équivaut désormais à un an de recettes de cotisations. Des cotisations dont le taux stagne depuis maintenant quinze ans, alors que le nombre de chômeurs a, lui, doublé. « En fait, les allocations-chômage sont une variable d’ajustement. D’où la nouvelle course à la radiation qui s’annonce », déplore Pascal Franchet.
Et si on faisait enfin la peau à l’inégalité salariale ?
Du fric, du fric, du fric. Pas des promos, du fric. C’est ce que vont, une fois de plus, réclamer des milliers de Françaises (et qui sait, de Français ?) en cette journée internationale des droits des femmes. Ce grand raout, fixé le 8 mars par l’ONU en 1977, est l’occasion de mettre en lumière les nombreuses inégalités et violences dont les femmes font l’objet, de dénoncer les stéréotypes sexistes… mais surtout, d’insister sur le nerf de la guerre : les inégalités salariales. Ainsi, comme l’année dernière, le Collectif «8 mars 15 h 40» (qui fédère des associations féministes comme le Collectif national pour les droits des femmes, le Planning familial, Osez le féminisme ainsi que Solidaires, la CGT ou encore l’Unef) appelle à la mobilisation dans tout le pays. Grève pour celles et ceux qui le peuvent, rassemblements et manifestations (à Paris, place de la République), port de brassards symboliques, insurrection sur les réseaux sociaux… Le mot d’ordre est clair : il est grand temps de faire la peau à cette différence de traitement pécuniaire. Mais pourquoi à 15 h 40 ? «C’est l’heure à laquelle les femmes cessent d’être payées chaque jour, sur la base d’une journée standard», explique le collectif. Soit une journée débutée à 9 heures et qui s’achève à 17 heures, avec une heure de pause déjeuner. Pour arriver à ce constat, le collectif se fonde sur l’écart salarial moyen, qui s’élève en France à 25,7 %, tous temps de travail confondus, et à 9 % à poste équivalent, selon le ministère du Travail. Une situation qualifiée «d’inadmissible» par la ministre, Muriel Pénicaud. «Il est temps qu’en matière d’égalité, l’Etat devienne un moteur, une locomotive», renchérit Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
A en croire le gouvernement, le train est déjà en marche : l’objectif a été fixé de régler le problème d’ici trois ans. Fort bien. Mais comment ? Des annonces sont attendues ce jeudi. En préambule, Matignon a organisé mercredi une consultation avec les partenaires sociaux auxquels ont été présentées des pistes de travail pour favoriser l’égalité. Ils auront un mois pour s’y plonger. Les mesures retenues pourraient ensuite être intégrées au projet de loi de réforme de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’assurance chômage, que présentera Muriel Pénicaud mi-avril en Conseil des ministres. Patience, patience, donc : à en croire les prédictions du Forum économique mondial, et au rythme effréné où vont les choses, il ne faudra attendre que deux cent dix-sept ans, soit l’an 2234, pour (enfin) parvenir à l’égalité.
D’ici là que faire ? Allumer des cierges, croiser les doigts, muscler les lois, taper plus fort sur les doigts, pousser les mâles à pouponner davantage ? Cinq pistes pour espérer avancer.
Forums, débats, tribunes : des années que les femmes réclament l’égalité salariale. En France, des lois sont pourtant bien là et elles ne datent pas d’hier. Ainsi, la règle «à poste égal, salaire égal» est prévue par le code du travail depuis… quarante-six ans. L’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe est, elle, inscrite dans la loi depuis 1982. Faute de révolution en la matière, des sanctions ont été prévues par la suite. Objectif ? Frapper les contrevenants au portefeuille. Ainsi, un décret paru fin 2012 impose des pénalités financières aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’agissent pas contre les inégalités, que ce soit par des négociations avec les partenaires sociaux ou par l’élaboration d’un plan d’action. Montant des pénalités ? Jusqu’à 1 % de la masse salariale. Las, le bilan n’est pas reluisant : depuis la création de ce dispositif, seules 106 sociétés se sont fait taper sur les doigts, alors que 66 % des entreprises concernées seraient hors la loi. «Les agents d’inspection du travail manquent cruellement de moyens et d’outils de contrôle», déplorait en janvier dans Libération Cristelle Gillard, conseillère aux droits des femmes pour le Conseil économique, social et environnemental.
Parmi les pistes qui pourraient apparaître dans le projet de loi Pénicaud prévu pour avril, figure donc l’idée de renforcer les sanctions financières. Alors que la loi actuelle demande aux entreprises qui ne sont pas en règle de présenter des «moyens» d’action, elles pourraient bien à l’avenir être face à une obligation de résultats. Et pour que résultats il y ait, est soumise l’idée de mettre à disposition des sociétés un logiciel libre de droit, intégré aux systèmes de paie, qui fournisse une méthodologie pour améliorer la politique salariale. En cas d’écarts injustifiés de salaire entre les sexes constatés par l’inspection du travail, l’entreprise aurait trois ans pour rentrer dans les clous. Faute de quoi, il lui faudra passer en caisse et s’acquitter d’une amende. Si ces mesures sont, à l’arrivée, intégrées au futur projet de loi, le gouvernement mise sur une entrée en vigueur dès 2019 dans les entreprises de plus de 250 salariés, et l’année suivante pour celles entre 50 et 249 employés.
Face à cette application insuffisante de la loi, certains prônent la méthode forte : le name and shame. Soit balancer les noms des entreprises qui fautent. C’est ce que souhaite notamment le conseiller régional EE-LV d’Ile-de-France Julien Bayou. Avec Osez le féminisme et le collectif les Effronté·e·s, ils ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris en avril 2015 pour obtenir la liste des entreprises déjà condamnées. «On peut et on doit faire plus pour réduire les inégalités», arguait alors l’élu. «Selon la taille et la richesse des entreprises, les sanctions financières peuvent ne pas être suffisamment dissuasives», appuie Fatima Benomar, porte-parole des Effronté·e·s. Pour elle, «rendre publiques de telles données pourraient avoir un impact sur l’image de marque de ces boîtes». Alors, peut-être, seront-elles acculées, contraintes d’agir. «A l’heure actuelle, les entreprises condamnées mettent vraiment de la mauvaise volonté à se mettre en conformité avec la loi. Il faut dire qu’elles reçoivent d’abord des mises en demeure, et beaucoup de temps s’écoule avant qu’elles ne soient condamnées», estime Fatima Benomar. Et de conclure : «Dans une démocratie, les consommateurs et les consommatrices sont en droit de savoir à qui ils ont affaire, c’est une question de transparence». La réponse du tribunal administratif est attendue pour le 15 mars.
Du côté du gouvernement, on étudie simplement la possibilité d’encourager les entreprises à une certaine transparence sur leur site internet. Rien de bien contraignant, en somme. Et on peut déjà parier que les plus avancées en matière d’égalité salariale seront plus promptes à s’afficher que celles qui traînent les pieds.
«Afram stelpur !» ou «allez les filles !» En 1975, 25 000 Islandaises (pour une population totale de 217 000) envoient massivement bouler leur boulot et manifestent. Une première mondiale. Sur leurs pancartes, elles insistent sur tout ce qu’elles font pour leur pays, au travail ou à la maison. Depuis, ces pionnières de l’égalité n’ont jamais baissé la garde. Une loi très stricte sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, annoncée en mars 2017 et votée en juin par 80 % des parlementaires, est entrée en vigueur le 1er janvier. Encore une première mondiale : toutes les entreprises islandaises de plus 25 salariés doivent désormais prouver, documents à l’appui, qu’à travail égal, hommes et femmes perçoivent la même rémunération.
Ce nouveau texte inverse la charge de la preuve. Il ne revient plus aux salarié·e·s (eh oui, aujourd’hui le point médian s’impose) de prouver la discrimination en raison de leur genre, mais aux entreprises de démontrer que, s’il y a écart de salaire, le genre n’y a aucune part. Devront ainsi apparaître l’ancienneté de l’employé·e, sa formation, son expérience, sa valeur ajoutée, le stress induit par ses tâches, etc. Un organisme indépendant chargé de vérifier la sacro-sainte règle du «à travail égal, salaire égal» délivrera aux bons élèves un certificat de conformité valable trois ans. Les plus petites entreprises ont jusqu’au 31 décembre 2021 pour se mettre en règle. Toutes les autres (entreprises de plus de 250 salariés, administrations publiques, ministères) ont jusqu’à fin 2018. Dans le cas contraire, une amende pouvant aller jusqu’à l’équivalent de 400 euros par jour sera appliquée. Par ici la monnaie !
Combien gagnent mes collègues ? Le sexe opposé est-il mieux payé ? Ces questions, qui taraudent bien des employées, les Allemandes sont désormais en droit de les poser très officiellement à leur employeur, depuis l’entrée en vigueur le 6 janvier d’une loi baptisée «EntTranspG». A condition, toutefois, de travailler dans une entreprise comptant plus de 200 salariés, et au sein de laquelle au moins six personnes du sexe opposé occupent le même poste. Si tel est le cas, chaque salarié peut solliciter l’aide de son comité d’entreprise, qui déposera anonymement une demande officielle auprès de la direction. A réception, le patron a alors trois mois pour communiquer les chiffres. Magique ?
Saluée à l’étranger, notamment par la secrétaire d’Etat française Marlène Schiappa pour qui c’est «une bonne idée», la mesure ne fait pourtant pas l’unanimité dans le pays : quid des PME ? Et des entreprises ne disposant pas d’un CE ? Les conservateurs, eux, ont dénoncé dès la gestation du texte des «nouvelles charges bureaucratiques» pour les entreprises. Dans un guide de bonnes pratiques publié fin novembre, le collectif féministe français les Glorieuses estimait pour sa part que «la transparence des salaires au sein des entreprises est une condition évidente de la réduction de l’écart salarial entre femmes et hommes». Balance ton prix ?
Comment éviter que les femmes soient les premières à mettre la pédale douce dans leur boulot et se mettent à temps partiel pour mieux jongler avec les 3 h 26 qu’elles consacrent chaque jour aux tâches domestiques (ménage, courses, soins aux enfants, etc.) contre 2 heures pour les hommes selon l’Insee, sans compter ce boulet qu’est la charge mentale ? La question est cruciale, quand on sait que temps partiel, forcément, rime avec moindre rémunération. Selon le ministère du Travail, les temps partiels seraient ainsi occupés par des femmes dans 80 % des cas… A en croire ceux qui tentent de secouer le vieux cocotier de l’inégalité, la solution tient dans ce proverbe suédois : «L’émancipation de la femme par le travail, l’émancipation de l’homme par la famille». Très bien, mais concrètement ?
Depuis des années, Jérôme Ballarin, président-fondateur de l’Observatoire de la parentalité en entreprise, association qui œuvre depuis 2008 pour un meilleur équilibre entre vie pro et vie perso, milite notamment pour un congé paternité digne de ce nom. A l’heure où le gouvernement réfléchit à rallonger les fameux onze jours de congé auxquels ont droit les pères (en sus des trois jours de «congé de naissance» automatiquement accordés par le code du travail), Jérôme Ballarin, auditionné par l’Inspection générale des affaires sociales (l’Igas) qui doit remettre un rapport sur cette question, milite pour que les trois jours systématiquement accordés deviennent cinq, et les onze jours de congé paternité, quinze.
Pour mieux inciter les hommes à se lancer dans l’aventure des couches-culottes, il propose aussi que les fameux onze jours soient davantage rémunérés, quand actuellement le plafond maximum de l’indemnité journalière est de 83,58 euros. «Des solutions peuvent être trouvées, soit en relevant le plafond de la Sécu, soit en jouant sur le crédit d’impôt famille (1), ou encore via des contrats de prévoyance.» Et puis, «il faut davantage communiquer auprès des hommes sur le congé parental d’éducation. Dans certaines entreprises, comme Areva, des salariés ne prennent pas le fameux mercredi, mais un 9/10e qui leur permettent d’être présents pendant les vacances scolaires. Il faut être créatif pour séduire les hommes.»
Autre levier pour inciter les femmes à ne pas se mettre en retrait : le télétravail. «Il n’est pas genré, comme le temps partiel, et permet à l’homme qui télétravaille de gérer les devoirs par exemple», ajoute le président de l’Observatoire de la parentalité. Bref, les moteurs sont là. «Aux managers», comme les appelle Jérôme Ballarin, d’appuyer dessus. A bon entendeur…
(1) Ce dispositif assez peu connu permet aux entreprises engageant des dépenses dans le but de permettre à leurs salariés de mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie privée de bénéficier d’un crédit d’impôt.
Les femmes ont gagné en moyenne 16% de moins que les hommes dans l’Union européenne en 2016, selon les chiffres de l’office européen de statistiques Eurostat publiés mercredi. Les écarts dépassent les 20% en Estonie (25,3%), en République tchèque (21,8%), en Allemagne (21,5%), au Royaume-Uni (21%) et en Autriche (20,1%). A l’inverse, les salaires se rejoignent en Roumanie (5,2% d’écart), en Italie (5,3%), au Luxembourg (5,5%). En Belgique, en Pologne, en Slovénie et en Croatie l’écart de salaire est aussi inférieur à 10%.
En France, l’écart de rémunération est de 15,2%. Ce chiffre est inférieur aux 25,7% avancés par le ministère du Travail français. Comment se fait-ce ? Eurostat ne prend pas en compte dans son étude les salaires dans les administrations publiques.
photo Albert Facelly pour Libération
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Congrès des HLM : «On n’a pas apprécié le foutage de gueule»
Cris, sifflets, noms d’oiseaux, banderoles, et pour finir une partie des congressistes qui quittent les lieux, laissant le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires devant une salle dégarnie, au Parc des expositions de Strasbourg où se tenait le Congrès annuel des HLM. Julien Denormandie a été conspué tout au long de son intervention. Jean-Louis Dumont, le président de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui fédère tous les organismes de HLM et qui organisait le congrès, a eu beau intervenir à trois reprises pendant le discours du secrétaire d’Etat pour appeler au calme, la salle a continué à protester.
Il faut dire que la veille, Bercy a dévoilé le projet de loi de finances 2018 prévoyant une baisse de 1,7 milliard d’euros de l’APL des locataires HLM, que les organismes devront compenser par une baisse équivalente des loyers. Et pour 2019 une taille supplémentaire de 1,5 milliard est annoncée. Dans le monde des bailleurs sociaux, certains considèrent que ces montants sont si extravagants qu’ils témoignent d’une volonté «de détruire le modèle économique et social des HLM». Dans le projet de budget de 2018, Bercy leur fait supporter 11% du total des économies que veut réaliser l’Etat (15 milliards d’euros). Mais à Strasbourg, au lendemain de l’annonce de ces coupes drastiques, Julien Denormandie est venu dire qu’«il n’y aura aucun perdant : ni les bailleurs sociaux, ni les allocataires, ni notre capacité à construire des logements sociaux».
Des énormités face à des dirigeants de HLM qui gèrent des organismes de plusieurs dizaines de milliers de logements et qui savent compter. Devant la salle, le ministre a aussi évoqué le nombre de demandeurs de logements sociaux (1,8 million, dont un tiers est déjà en HLM et veut une mutation) sans expliquer que ce sont les loyers prohibitifs du privé (contre lesquels le gouvernement n’a pas prévu de mesure immédiate) qui poussent massivement des ménages à tenter leur chance en HLM.
Enfin, Julien Denormandie a appelé les congressistes à construire massivement alors que la baisse des loyers qu’on leur impose siphonne leurs fonds propres. «En aucun cas nous ne cherchons à ponctionner des bailleurs sociaux», a prétendu le secrétaire d’Etat. «On n’a pas apprécié le foutage de gueule», dit un congressiste. Les HLM s’estiment victimes de poncifs et d’a priori, et d’une «méconnaissance de [leur] travail» par leurs ministres de tutelle, coupables selon eux de ne pas les avoir défendus face aux coupes budgétaires décidées par Bercy. D’où les cris et les chahuts, comme en témoigne une vidéo tournée par le site Batiactu.com.
«Quand on vient de la société civile, le minimum c’est d’avoir un peu de formation politique et ne pas provoquer des gens déjà en colère», dit Alain Cacheux, ancien député PS et président de la fédération des offices publics, qui a «quitté la salle au bout de vingt minutes. Un peu plus tard, pendant que je fumais une cigarette dehors, j’ai vu le secrétaire d’Etat repartir». Ce fût une journée de colère donc.
Mais l’affaire n’est pas finie. En traitant avec légèreté le monde des HLM, qui participe à la rénovation urbaine et la renconstruction des quartiers en difficulté, qui loge à des loyers accessibles des ménages pauvres, modestes ou moyens notamment dans les zones tendues où les loyers du privé sont inaccessibles, qui gère 4,8 millions de logements et loge 11 millions de Français en lien avec les élus des territoires, le gouvernement commet une faute politique lourde qu’il risque de regretter à l’avenir.
Mis à jour le 03/09/2017 | 13:45
publié le 02/09/2017 | 16:24
Conséquence parmi d’autres de la fin annoncée par le gouvernement des contrats aidés : l’association des Restos du Coeur de Grenoble ne pourra plus distribuer de repas chauds à ses bénéficiaires, et cela « dès lundi », a assuré sur franceinfo samedi 2 septembre la présidente des Restos du Coeur de l’Isère, Brigitte Cotte.
« Nous avons un emploi aidé, le cuisinier, qui prépare entre 100 et 120 repas chauds par jour dans notre centre de Grenoble », indique Brigitte Cotte. « Notre salarié en contrat aidé a terminé sa mission et va sur d’autres projets. Quand on a voulu recruter un autre salarié en contrat aidé, on nous a répondu qu’il n’y avait plus de budget », regrette la présidente des Restos du Coeur de l’Isère.
C’est pourquoi, « dans l’immédiat nous allons supprimer la partie repas chaud, importante pour nous. Elle va disparaître le temps que nous nous retournions et que trouvions une solution. Mais ça ne se fera pas du jour au lendemain », indique Brigitte Cotte.
Jusqu’à présent le cuisinier salarié était « financé par les Restos du Cœur et le gouvernement nous remboursait tous les mois. Nous payions notre salarié entre 800 et 900 euros et le gouvernement nous donnait environ 300 euros ».
Interrogé à ce sujet dans l’émission « Questions politiques », dimanche 3 septembre, le Premier ministre a indiqué que la suppression du poste de cuisinier ne correspondait pas « aux orientations » que l’executif avaient fixées et qu’un contact avait été pris avec l’association.
Muriel Pénicaud, la première DRH de France
Un soir du mois de mai, peu de temps après sa nomination, Muriel Pénicaud organise un dîner au ministère du Travail. Un repas de vieux potes où l’on trinque au bon temps, et surtout à la nouvelle du moment : celle qui était chargée de la formation professionnelle (1991-1993) auprès de Martine Aubry a repris les rênes. Comme un retour aux origines. Un toast à cette bande de trentenaires, de gauche et ambitieux, qui a vieilli et réussi.
Au fil des années, les anciens du cabinet d’Aubry prennent l’habitude de se réunir plusieurs fois par an. Et se donnent un surnom chic : «les canetons du Châtelet». On retrouve Guillaume Pepy, qui était à l’époque directeur de cabinet, devenu depuis 2008 patron de la SNCF, et des anciens conseillers techniques : Jean-Pierre Clamadieu, désormais à la tête du groupe Solvay, l’un des leaders mondiaux de la chimie, Gilles Gateau, actuel directeur des ressources humaines d’Air France, Yves Barou qui, après avoir été DRH de Thales, préside l’Agence pour la formation professionnelle des adultes, ou encore David Azéma, qui a notamment dirigé l’Agence des participations de l’Etat et a contribué à la campagne d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, la plupart sont convaincus que le projet de loi travail que porte Muriel Pénicaud va dans le bon sens. Hier, ils auraient trouvé tous les arguments pour démontrer le contraire…
Depuis ce dîner, Muriel Pénicaud, 62 ans, a survécu à un remaniement, à l’ouverture d’une instruction dans l’affaire Las Vegas et à une polémique sur ses stock-options empochées avec Danone. Elle a fait plus que tenir. Pendant tout l’été, elle a enchaîné les rounds de négociations avec les différents partenaires sociaux. Sans jamais trop en dire. Ni aux syndicats ni aux Français. Et personne n’a claqué la porte. Ce jeudi, en dévoilant le contenu des ordonnances (lire pages 4-5), elle aura la lourde responsabilité de révéler la première pierre du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Ces deux-là étaient faits pour s’entendre. Muriel Pénicaud revendique, comme son credo, la «nécessaire» combinaison de «l’économique» et du «social». Un attelage qui aura été la boussole de toute sa carrière professionnelle, selon elle. Son maître à penser ? Antoine Riboud, proche de la Deuxième Gauche, ancien dirigeant de BSN – ex-Danone -, où Muriel Pénicaud a fait l’essentiel de sa carrière dans le privé. «C’était un patron de gauche, qui avait déjà, dans les années 70, une conscience que la croissance économique devait aussi se soucier de l’écologie et du social», détaille-t-elle. Déjà une forme préhistorique du «en même temps» répété à l’envi par Macron pendant la campagne présidentielle.
Quand elle le rencontre pour la première fois, c’est le coup de foudre. Emmanuel Macron est encore secrétaire adjoint de l’Elysée. «Je me suis tout de suite dit que c’était quelqu’un d’extraordinaire», raconte-t-elle dans son bureau au rez-de-chaussée du ministère de la rue de Grenelle. Les grandes portes-fenêtres sont ouvertes sur le parc. Un léger courant d’air vient faire tinter l’immense lustre au-dessus du bureau. Muriel Pénicaud est tout à la fois prudente et directe. Précise quand ça l’arrange, fuyante quand elle sent le danger.
Jamais élue, non encartée, Muriel Pénicaud, alors inconnue du grand public, représente cette «société civile» que chérit le Président. C’est dans le cadre de ses fonctions de directrice générale de Business France, organisme chargé de la promotion à l’étranger des entreprises françaises, qu’elle fait la connaissance approfondie de Macron, alors son ministre de tutelle. Politiquement, elle lui doit tout. Il lui doit l’organisation du show de Las Vegas, premier acte d’une future candidature à la présidentielle. Et qui va entraîner l’ouverture d’une information judiciaire pour délit de favoritisme et recel. Business France est suspecté de s’être affranchi de la procédure d’appel d’offres en missionnant Havas.
Muriel Pénicaud est née dans une famille de cinq enfants. Père «conseiller financier», mère «au foyer», d’une enfance bourgeoise au Chesnay, à côté de Versailles. Elle a pris l’habitude de raconter une anecdote lorsqu’il faut parler derrière un pupitre, devant du beau monde, pour trouver une origine à cet «engagement social». Comme à l’occasion de sa promotion au grade d’officier de la légion d’honneur en 2014 : «Lorsque j’avais 10 ans, quand une prof au collège m’a demandé quel métier je voulais faire plus tard, j’ai répondu cheffe d’orchestre. Elle s’est énervée et m’a expliqué que ce n’était pas possible, que c’était un métier d’homme.» Muriel Pénicaud en tire un «déclic» auquel s’ajoute «une prise de conscience des inégalités» lors d’un premier engagement associatif à 15 ans. Scolarisée jusqu’au bac dans l’enseignement privé, elle fait des études d’histoire et de sciences de l’éducation à Nanterre. «J’étais une bonne élève, mais je n’ai pas voulu aller vers la voie royale des grandes écoles», assure-t-elle. Elle commence à travailler à 21 ans dans un centre de formation des personnels communaux à Paris puis Nancy, et enchaîne en prenant la direction d’une antenne régionale du ministère du Travail avant d’entrer en 1991 au cabinet de Martine Aubry. «Muriel Pénicaud était le prototype de la conseillère très précieuse qui cumulait les qualités d’une techno avec un grand sens pratique», flatte Guillaume Pepy. «C’est en entrant au cabinet de Martine Aubry en 1991 que j’ai commencé à rencontrer les partenaires sociaux au niveau national», se souvient Muriel Pénicaud. Elle se définit à l’époque comme «sympathisante de gauche» sans jamais franchir le pas de porte d’un parti. «J’avais pensé à entrer au PS mais la place des femmes dans les partis politiques était catastrophique, faire le café ce n’était pas mon truc.»
Après deux années rue de Grenelle, Muriel Pénicaud part faire carrière dans les ressources humaines, dans le secteur privé. D’abord à Danone pendant neuf ans. Puis elle part chez Dassault Systèmes, pour obtenir le poste qu’elle convoite : directrice générale des ressources humaines. Une histoire d’ambition ? Non, juste l’envie d’avoir «plus d’impact sur les décisions», euphémise-t-elle. En 2008, alors qu’elle s’apprête à monter sa boîte, Franck Riboud, fils du fondateur de Danone, la rappelle. Et lui propose le poste de DRH qu’elle n’avait pu obtenir lors de son premier passage. Sa grande œuvre : la mise en place «d’une protection sociale pour tous les salariés du groupe dans le monde, une première dont se sont inspirées plusieurs grandes entreprises par la suite», raconte-t-elle.
Dans la maison, on garde une bonne impression de son passage. «J’ai le souvenir d’une personne à l’écoute, assez ouverte aux propositions qu’on lui faisait. Elle était capable d’amender son projet, même si c’était souvent à la marge, en fonction de nos remarques», raconte Michel Coudougnes, délégué syndical central CGC de Danone. «Pour certains, le dialogue est uniquement à visée pédagogique, pour convaincre l’autre. Elle, elle prenait en compte l’avis d’en face, sans bien sûr tout accepter», confirme Gaby Bonnand, ancien responsable national de la CFDT, qui siégeait avec d’autres personnalités extérieures dans la commission présidée par Pénicaud chargée de conseiller Danone dans ses bonnes œuvres à l’étranger.
Sa relation avec les syndicats sera pourtant moins idyllique à Business France, où Muriel Pénicaud est nommée en 2014 pour opérer la fusion entre l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii) et Ubifrance. En interne, l’ex-directrice générale est rapidement contestée pour sa gestion de ce chantier. Alors que la fusion s’embourbe, les salariés apprennent par une lettre anonyme que l’actuelle ministre du Travail a discrètement augmenté plusieurs de ses proches collaborateurs. L’information a du mal à passer en interne. D’autant qu’elle tombe au pire moment : les syndicats sont aux prises avec les conséquences sociales de la fusion et bataillent dans les négociations salariales. Les représentants du personnel multiplient alors les signaux de détresse.
Fin 2015, les syndicats sont finalement reçus par les deux ministères de tutelle de Business France (Bercy et le Quai d’Orsay) et le secrétariat d’Etat au Commerce extérieur. En l’absence de Pénicaud. Le compte rendu des syndicats charge violemment la directrice générale, pointant des «erreurs de gouvernance dont souffre l’agence», et menace de déclencher un droit d’alerte. Muriel Pénicaud ne laissera que quelques lignes d’au revoir lors de son départ, mi-mai, pour la rue de Grenelle : «Je pars confiante dans l’avenir de l’agence, qui a prouvé son efficacité et sa capacité de rayonnement.»
En cette fin d’été, pourtant, la majorité des commentateurs louent sa conduite de la réforme du code du travail, et notamment son sens de l’écoute, qui lui a pour l’instant permis de contenir la colère de certains syndicats face au passage à la moulinette de quelques pans non négligeables du droit du travail. Avec elle, fini les grands-messes surmédiatisées réunissant l’ensemble des partenaires sociaux en un même lieu, et ses images de leaders syndicaux vitupérant devant les caméras. Sa méthode : une succession de rencontres bilatérales très cloisonnées entre chaque organisation et son cabinet, et des pistes de réforme distillées à l’oral et par petits bouts, afin de laisser le moins de prises possible à ses adversaires. Tout en réussissant à afficher une image d’ouverture.
Pénicaud, reine du dialogue social ? En réalité, la ministre divise. Si le processus de concertation est vanté par la CFDT et Force ouvrière, il exaspère les autres centrales. «C’est une méthode que je qualifierais d’onctueuse, se moque le boss de la CGC, François Hommeril. Car avec elle, on a jamais vraiment négocié, il n’y a d’ailleurs rien à négocier, c’est un projet déséquilibré où ne figure aucune contrepartie pour les salariés.» Pas plus de succès auprès de la CGT : «Le dispositif : elle n’a que pour objectif de jouer sur la division syndicale. On passe les uns derrière les autres, on ne dévoile qu’une partie du texte, le tout sur un calendrier très court, et avec des amendements à la marge pour faire croire qu’il y a du donnant-donnant. Et pouvoir dire ensuite : « Vous voyez, on a discuté »», se désole Fabrice Angei, négociateur de la centrale de Montreuil.
Le dialogue, supposé ou réel, n’est pas la seule carte de Muriel Pénicaud. Elle a aussi le don de cultiver ses puissants réseaux. Les «canetons du Châtelet» de l’époque Aubry, bien sûr, mais aussi le gotha du CAC 40, qu’elle a côtoyé de longues années dans le privé. La ministre sait se placer et a longtemps cumulé un nombre important de sièges dans des conseils d’administration prestigieux : SNCF, Aéroports de Paris, AgroParisTech, Fondation Bettencourt Schueller mais aussi Orange, où elle engrangera 60 000 euros en 2014. Augustin de Romanet, à la tête d’Aéroports de Paris, l’encense : «Elle conjugue une sensibilité du secteur privé avec un vrai sens de l’intérêt général. Elle a notamment été de très bon conseil sur des dossiers d’acquisitions d’aéroports à l’étranger.» Mais Pénicaud ne pouvait pas rêver mieux pour rayonner que de diriger Business France, où elle côtoie petits patrons et politiques. Un entregent qui a longtemps irrité Jean-Paul Bacquet, ancien député socialiste ayant croisé Muriel Pénicaud en tant que président du conseil d’administration d’Ubifrance : «Elle a surtout utilisé l’agence pour sa renommée personnelle en passant son temps dans des événements prestigieux à l’international.» Un cadre raconte une anecdote supposée résumer le personnage : «Elle insistait pour qu’on l’appelle par son titre d’ambassadrice aux investissements internationaux, et pas seulement comme directrice générale.» La socialiste Estelle Grelier, qui a succédé à Bacquet, préfère l’envers de la médaille : «Son réseau a été un véritable atout pour l’agence.»
Dans son bureau au ministère du Travail, Muriel Pénicaud a installé deux grandes photos, posées en majesté sur deux chevalets, d’un côté et de l’autre des portes vitrées qui donnent sur le jardin. Deux oiseaux que Muriel Pénicaud a elle-même photographiés sur son temps libre. Artiste confidentielle, elle a pourtant déjà été exposée à l’international, à l’Institut français du Japon, à Tokyo, en mai. Dans un étrange mélange des genres, son vernissage était d’ailleurs annoncé sur le site de Business France. Quelques semaines plus tôt, son travail était exposé à deux pas du ministère, aux côtés des animaux empaillés de la boutique Deyrolle.
Muriel Pénicaud écrit aussi. Une nouvelle publiée sous l’énigmatique pseudo de «Julia J. Joy», dans une revue confidentielle, dont le rédacteur en chef explique : «Julia J. Joy est le pseudonyme d’une personnalité publique circulant régulièrement autour de la planète. […] Ses images sont frappées de la même tension : l’incrédulité devant les affaires humaines.» Pour nourrir cette ardeur artistique, Muriel Pénicaud a aussi créé, fin 2012, le fonds de dotation Sakura, où elle a déjà placé 670 000 euros. Cette structure juridique est une véritable niche fiscale qui permet de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % du montant des sommes versées. Pour profiter de ce petit paradis pour le mécénat artistique, il faut tout de même satisfaire à quelques exigences. Les fonds versés doivent permettre de financer des projets d’intérêt général. Sauf que l’intérêt général se combine parfois avec son intérêt personnel. Depuis sa création, son fonds de dotation a par exemple financé un petit centre d’art rural géré par Marie-Solange Dubès, l’une des amis avec qui elle a travaillé au cabinet de Martine Aubry. Et où elle expose ses photos depuis plusieurs années. Son fonds est également généreux avec la revue qui accueille ses clichés. «C’est le conseil d’administration du fonds qui décide les projets qui sont financés», commente simplement la ministre… qui présidait le fonds jusqu’à sa nomination.
Mais le vrai talon d’Achille de Muriel Pénicaud reste Business France. Un mois après son arrivée à la tête du ministère du Travail, elle a dû s’accrocher aux murs pour tenir bon. Le 20 juin au matin, une rencontre officieuse avec une poignée de journalistes est organisée au 127, rue de Grenelle. La ministre veut présenter à la presse sa méthode pour réformer le code du travail. Avec ce sous-texte : tout va bien se passer. Sans raison officielle, ce rendez-vous est finalement annulé la veille à minuit. Le lendemain matin, la nouvelle tombe sur le fil de l’AFP : «Des perquisitions ont été menées […] au siège du groupe publicitaire Havas et de l’agence nationale Business France dans le cadre de l’enquête sur l’organisation d’un déplacement en janvier 2016 à Las Vegas d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie.» Les policiers anticorruption visitent son ancien bureau, aspirent sa boîte mail de l’époque et saisissent de nombreux documents. Et ce, à la veille du remaniement ministériel qui doit conduire au gouvernement Philippe 2. L’exécutif est également en pleine promotion de son projet de moralisation de la vie publique, alors que plusieurs ministres sont cités dans des affaires judiciaires. Un jour passe sans nouvelle de son cabinet. La liste des ministres doit tomber dans l’après-midi. Quatre membres du gouvernement sont au tapis : Richard Ferrand, Marielle de Sarnez, Sylvie Goulard et François Bayrou. Mais en fin de journée, Muriel Pénicaud est confirmée à son poste.
Quelques semaines plus tard, la ministre du Travail est rattrapée par les salaires vertigineux qu’elle a touchés dans le privé. Selon sa déclaration d’intérêts qui retrace les cinq dernières années, elle a empoché 4,7 millions d’euros lors de ses deux dernières années à Danone. L’ancienne directrice des ressources humaines de ce géant de l’agroalimentaire a aussi bénéficié d’une belle plus-value boursière de 1,13 million d’euros lors de la revente, en 2013, de stock-options au moment où l’entreprise avait décidé la suppression d’environ 900 postes de cadres en Europe, dont 230 en France. L’annonce de ce plan de départs volontaires avait été suivie d’un bond important du titre au CAC 40. «Les salariés concernés ont eu de bonnes conditions de départ», nous répond Muriel Pénicaud, mal à l’aise pour commenter ses rémunérations de l’époque. Puis s’agace : «L’argent, ce n’est pas un moteur pour moi, je m’en fiche.» Et en même temps, confesse avoir une «opinion» sur la rémunération des grands dirigeants. Laquelle ? «Ce n’est pas le moment.»